Après les attentats de Charlie Hebdo en 2015, la France a cherché un moyen de se protéger plus efficacement contre le terrorisme. Au-delà de l’arsenal militaire et de l’état d’urgence, un nouveau service voit le jour en 2017. En effet, le Service national d’enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) vérifie secrètement les antécédents des personnes candidates à des métiers considérés à risque notamment dans le service public.
Ce service a pour but d’améliorer le contrôle de l’accès aux métiers, zones et événements les plus sensibles pour la sécurité des Français en écartant donc des personnes radicalisées ou des délinquants.
360 000 enquêtes en 2020
Selon les informations du Figaro, « pas moins de 360 000 enquêtes administratives ont été menées en 2020, avec un taux d’incompatibilité à 0.26% soit près d’un millier de personnes ».
Par ailleurs, le service avait enquêté sur 407 000 cas en 2019 avec 481 avis négatifs contre 318 000 en 2018 avec 466 avis négatifs. Selon les médias français, le service avait commencé avec 12 agents et dépasse désormais 65 salariés.
Il faut dire que le SNEAS mène des enquêtes administratives sur toutes les personnes qui veulent travailleur dans les secteurs ayant un rapport avec la souveraineté de l’État, la sécurité ou la défense. Ainsi, sont concernés par exemples, les policiers, les gendarmes, la sécurité privée, ceux qui doivent détenir une arme mais plus étonnement encore les transports publics, routiers, fluviaux, ferroviaires et maritime.
Ainsi, ce service permet de centraliser les données et d’éviter que chaque organisme fasse un travail titanesque sans jamais se coordonner.
Pour arriver à ses fins, le SNEAS utilise un logiciel « interne » baptisé « ACCRED » qui signifie Automatisation de la Consultation Centralisée de Renseignements et de Données et qui permet pour chaque identité, la consultation automatisée des fichiers de police et de gendarmerie.
Grâce à ces enquêtes, le Figaro explique qu’en 2020 sur 16518 candidats à police nationale 16 ont vu leurs dossiers refusés tandis que sur 27461 postulants à la gendarmerie 14 n’ont pas eu d’avis favorable.
Les radicaux dans le viseur
En fait, le but inavoué de ce service est avant tout de détecter les « radicaux islamistes ». De ce fait, le service est relié automatiquement au FSPRT, c’est-à-dire le « fichier de signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste ».
Le FSPRT dénombrait en août 2020 plus de 8132 personnes, selon le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Ce fichier se distingue des fiches S (pour sûreté) par sa concentration uniquement sur des supposés radicaux alors que dans les fiches S, on trouve des profils très variés comme des militants d’extrême gauche, de droite ou des hooligans.
Il a été mis en place par un décret datant du 5 mars 2015. L’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat) se charge d’alimenter le fichier. « Cette dernière se base principalement sur les services de renseignement et les informations recueillies sur le terrain. Selon le gouvernement, ils comprennent les déclarations effectuées au Centre National d’Assistance et de Prévention de la Radicalisation (CNAPR), celles des États-Majors de Sécurité des préfectures (EMS) et celles des services (Objectifs). Les appels téléphoniques auprès de la plateforme de signalement CNAPR sont ainsi une des sources non négligeables », explique la chaine d’information LCI. Il s’agit donc avant tout de signalement venant des citoyens puisque « 1 appel sur 10 aboutit à un signalement » précise la même source.
Pourtant, quand on étudie le profil des auteurs d’attentats, la quasi-totalité n’a jamais travaillé dans les secteurs annoncés. Malgré tout, les chauffeurs, notamment de bus, sont particulièrement visés par ces enquêtes. Ainsi, toujours selon le Figaro, le SNEAS a mené en 2020, 10380 enquêtes sur des chauffeurs. Mais seulement 83 dossiers ont reçu un avis défavorable.
En revanche, à lire les médias français, tous les chauffeurs de bus sont des radicalisés. On se souviendra de cette polémique sur une chauffeur de bus qui aurait « refusé de prendre des filles car elles portent des jupes trop courtes ». Aujourd’hui, aucune enquête n’a arboré les allégations des filles, et les médias n’ont jamais révélé la suite de l’enquête. Pourtant, les islamophobes continuent d’utiliser cette histoire pour déverser leur haine sur les musulmans
Les surveillants de prison sous surveillance
Outre les chauffeurs, les gardiens pénitentiaires sont également particulièrement surveillés. Ainsi en 2020, sur 107 avis négatifs 90 concernaient un problème lié aux délits de droit commun. Par ailleurs 5 personnes ont été refusées pour appartenances à des mouvances contestataires et violentes et seulement 12 pour appartenance à la sphère islamiste.
De même, désormais ce service scrute minutieusement les dossiers de demandeurs d’asile. Ainsi, en 2020, sur 23 580 demandes de régularisation, seulement 1.61% ont reçu un avis défavorable soit 379 personnes refoulées uniquement pour motif de radicalisation.
Le problème avec cette notion de radicalisation c’est qu’elle reste très floue et peut parfois aller à l’encontre de la liberté religieuse. Nous avons vu par exemple, lors des débats sur la loi séparatisme que certains considéraient le simple fait de porter un foulard comme un signe de radicalisation.
Le gouvernement a d’ailleurs même mis en place un Secrétariat général du Comité interministériel de Prévention, de la Délinquance et de la Radicalisation. Mais ce secrétariat refuse d’utiliser le terme « islamophobie » sous prétexte que « ce mot a été inventé par les radicaux afin d’empêcher toute critique de la religion ». Pourtant ce terme est utilisé par toutes les institutions internationales qui luttent pour les droits humains.
De même en 2019, le ministre de l’Education avait envoyé une fiche d’information aux enseignants pour détecter « des signaux faibles de radicalisation ». Dans cette fiche on y apprenait ainsi que le port d’une djellaba ou d’un foulard, port de la barbe, arrêt de la consommation d’alcool, consommation du halal, faire la prière ou s’intéresser à l’actualité internationale pouvaient s’apparenter à de la radicalisation.
Dans ce sens, on peut clairement dire que le manque de transparence de cet organisme fait craindre un fichage à grand échelle. Ce service n’a pas dévoilé ses critères pour valider ou refuser un dossier. Dans ce cas, peut-on par exemple dire qu’une personne opposée au vaccin anti-Covid-19 est une personne radicalisée ?
Quid alors des manifestants gilets jaunes ? D’aucuns seraient en droit de se demander si un gilet jaune est de confession musulmane, cela représente-t-il une circonstance aggravante ?