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La lutte contre l’Islamophobie est d’abord un combat politique

La tendance à la baisse de la l’islamophobie, confirmée aussi bien par les associations de lutte contre l’islamophobie que le ministère de l’intérieur ne doit pas faire baisser la garde. En tout cas c’est ce qui estime Abdelaziz Chaambi président de l’association CRI (Coordination contre le Racisme et l’islamophobie) qu’il a créé en 2008. Le CRI est une des associations très active sur le terrain pour apporter un soutien juridique aux victimes.

Ce militant de 59 ans qui a débuté sa carrière dans le milieu social est sur le terrain depuis 1976. Arrivé de Tunisie en 1970, il a été à l’origine de plusieurs associations comme le Collectif des Musulmans de France en 1993. C’est ce collectif qui avait permis à Tariq Ramadan de trouver un public et de connaître une notoriété qu’il connaît aujourd’hui.

Abdelaziz Chaambi est également membre du Collectif DiverCité dont la plus part des membres sont des non musulmans pour défendre la justice et le droit.

Il a également participé au Forum Social Européen de Saint Denis en 2003 et au Forum Social des Quartiers Populaires en 2007.

Son activisme lui permet également d’être membre du bureau de la Commission Islam et Laïcité.

Il a accepté de répondre à nos questions afin de nous apporter quelques précisions sur le problème de l’islamophobie en France.

Il estime que tant que l’islamophobie n’est pas reconnu en tant que crime à part, cela sera très difficile de lutter efficacement.

Pour la première fois aussi, un procès l’attend. Ce procès est très important car ca sera aussi une première pour les associations de lutte contre l’islamophobie. Un militant sera jugé pour son militantisme. Est-ce un message des pouvoirs publics? Où est-ce une façon d’intimider ? C’est ce que nous lui avons demandé.

Tout d’abord pouvez-vous nous dire en quoi consiste votre association?

L’association CRI consiste à lutter contre le racisme et l’islamophobie et toutes formes de discrimination. Un de nos buts consiste à lutter juridiquement, politiquement et pédagogiquement contre l’islamophobie.

Mais est-ce difficile en France de lutter contre l’islamophobie?

Lutter contre l’islamophobie en France est très difficile car le fait social en lui-même est non reconnu par les pouvoirs publics et la classe médiatico-politique et une certaine élite intellectuelle  qui préfèrent parler de racisme et d’antisémitisme qui ne sont pas logés à la même enseigne que la lutte contre l’islamophobie.

Un autre facteur important est le fait que notre association ne perçoit aucune subvention malgré le travail d’intérêt public qu’elle mène depuis 2008 et les centaines de cas traités et de victimes accompagnées. De plus les victimes ont souvent peur des représailles et des conséquences sur leur vie scolaire professionnelle ou sociale en cas de dénonciation des agresseurs et ceci réduit considérablement les nombres de cas de discriminations ou d’agressions islamophobes, nous évaluons à 10% le nombre de victimes qui déposent plainte.

Les chiffres de ministère de l’intérieur et des autres associations de lutte contre l’islamophobie montrent une baisse des actes? Avez-vous le même résultat?

Nous constatons une baisse très importante des actes islamophobes de l’ordre de 60% par rapport à l’année dernière. Nous expliquons cette baisse par les épisodes du Burkini et de l’Etat d’Urgence qui ont exacerbés les musulmans et amenés les politiques à ne plus surexploiter le filon de la diabolisation des musulmans et l’éviction de Sarkozy, de Valls et la victoire de Benoit Hamon nous démontrent  que c’est un fond de commerce qui n’est plus aussi rentable qu’auparavant.

Peut-on alors dire que le combat contre l’islamophobie est gagné?

Le combat contre l’islamophobie est loin d’être gagné car l’arrivée de Trump aux USA et l’arrivée en vue de Fillon qui persiste malgré les scandales qui le touchent nous prédisent de mauvais jours en France, il faut se rappeler que Mr Fillon était donné perdant largement et à 3 mois des primaires de la droite il sort son livre islamophobe qui assimile islamique et islamiste et il grimpe en tête des intentions de vote à droite.

Angela Merkel reprise à juste titre par le président Turc Recep Tayyip ERDOGAN dernièrement sur la terminologie et l’amalgame entre islam et terrorisme prouve que nous avons encore beaucoup de travail dans ce domaine.

Vous êtes convoqué le 15 février prochain pour outrage aux fonctionnaires alors que l’affaire qui a déclenché ces polémiques est classée. Pouvez-vous nous dire d’avantage sur ce procès qui vous attend?

Pour ce qui me concerne je suis victime d’une criminalisation de mes engagements associatifs et de défense des droits des victimes, à l’image d’autres militants ou de syndicalistes et ceci nous préoccupe au plus haut point car les autorités françaises très zélées pour donner des leçons de droits de l’homme à d’autres bafoue ses propres principes et porte atteinte à des droits fondamentaux et constitutionnels.

Si je ne me trompe pas c’est la première fois qu’un militant de lutte contre l’islamophobie est poursuivi non?

Oui. j’ai pris la défense d’une famille victime de l’enlèvement de ses 5 enfants, dont un nourrisson de 3 mois privé du sein de sa mère, en Février 2015 et  je me retrouve avec une fiche S (comme si j’étais un terroriste potentiel alors que depuis 40 ans je n’ai jamais eu le moindre problème de cet ordre) et je suis convoqué au tribunal de Bourgoin Jallieu dans l’Isère le 15 Février 2017 pour de soi-disant outrages et atteinte à la dignité de fonctionnaires alors que je n’ai jamais rencontré le moindre fonctionnaire lors des mobilisations et manifestations que nous avions organisées avec CRI pour exiger le retour des enfants chez eux. Cette décision de justice constitue une forme de représailles parce que nous avons contraint les autorités à annuler leur plan de placement définitif de ces enfants pour des raisons farfelues telles que :”la famille a une culture radicale”.

Pensez-vous qu’il y a une pression politique contre certaines associations de luttes contre le racisme?

La volonté de me faire condamner ainsi que d’autres militants d’autres associations démontre, si besoin, que l’Etat veut dissuader d’autres citoyens ou militants épris de justice de créer le rapport de force pour faire annuler des décisions arbitraires et injustes

Dans ce climat, qu’attendent les associations de luttes contre l’islamophobie des élections présidentielles en France?

Ce que nous attendons des élections présidentielles c’est que les candidats cessent de faire diversion en parlant de la question identitaire dont l’Islam et les musulmans sont le pendant et nous parlent des problèmes économiques et sociaux du pays dans lequel il y a plus de 6 millions de chômeurs et 9 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté . Nous espérons et appelons les citoyens de confession musulmane à se mobiliser en masse et voter pour les candidats qui n’attisent pas la haine de l’autre et ne font pas de l’islamophobie leur fond de commerce.