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Le gouvernement acte définitivement la mise sous tutelle de la laïcité

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Annoncée depuis plusieurs mois, la fermeture de l’Observatoire de la Laïcité se précise désormais et sera actée au mois de septembre.

En effet, par un communiqué de presse le 4 juin, Matignon a indiqué que « le décret portant la création du comité interministériel abrogera celui créant l’Observatoire ».

Rappelons que l’Observatoire de la laïcité a été créé le 25 mars 2007 par l’ancien Président français Jacques Chirac et son Premier ministre Dominique de Villepin.

Cet organisme avait pour but d’assister le gouvernement dans la promotion et l’application de la laïcité dans l’esprit de la loi de 1905. Mais les premières mises en tutelles ont commencé sous la présidence de François Hollande qui, le 8 avril 2013 avait publié un décret installant l’observatoire à l’Elysée.

Dans son communiqué de presse, le bureau du Premier ministre Jean Castex annonce donc que ce décret de 2013 sera abrogé mettant fin ainsi à 8 ans de service. Selon des éléments publiés sur sa page, cet organisme n’avait qu’un budget de 59 000 euros par an et son président ainsi que son rapporteur général travaillait bénévolement assurant son indépendance.

Toujours selon le site de l’Observatoire, l’organisme était composé de 29 experts dont des parlementaires. En 7 ans, il a fait 1000 déplacements de terrain, 220 auditions, 7 rapports annuels, 33 communiqués de presse, 350 milles acteurs et 160 milles enseignants.

Ce qui caractérisait le plus l’Observatoire était surtout ses avis juridiques sur des situations bien particulières. Ainsi, justement, c’est ces avis qui lui ont valu d’être accusé de complaisance avec l’islamisme par ses détracteurs.

Alors que cet observatoire prônait une laïcité apaisante et axée sur la liberté, ses opposants voulaient une application de la laïcité excluante.

La laïcité placée sous tutelle gouvernementale

D’après le communiqué de presse, la nouvelle instance « sera placée sous la présidence du premier ministre ». Dans le détail, elle réunira les ministères concernés (Intérieur, Éducation nationale, Fonction publique) tout en reprenant les missions, notamment administratives et consultatives, de l’Observatoire de la laïcité.

Dans ce cas pourquoi avoir supprimé l’Observatoire ? En réalité L’Observatoire de la laïcité, présidé par l’ex-ministre socialiste Jean-Louis Bianco jusqu’en avril dernier, avait été de nouveau accusé de complaisance avec l’islamisme malgré son soutien à la loi sur le séparatisme.

En effet, dès le mois de novembre plusieurs personnalités musulmanes avaient critiqué la position de l’Observatoire concernant « l’accord » de ce dernier « dans l’ingérence de l’état dans le culte musulman via notamment l’obligation de signer une charte des imams ».

Sur son compte twitter, l’avocat au barreau de Paris, Nabil Boudi, avait fait part de sa déception lors de la prise de position de l’Observatoire en expliquant que « l’ingérence de l’Etat dans le culte est la définition même de la discrimination ».

Gage aux franges extrémistes

C’est alors que Nicolas Cadène, le rapporteur général de l’organisme, avait tenté de justifier la décision sans pour autant convaincre les musulmans.

« Si pendant des années l’Observatoire de la laïcité a tenu une position équilibrée, se contentant avec rigueur et inflexibilité de rappeler le droit, rien que le droit, face aux coups de boutoir d’une nébuleuse férocement islamophobe, dont le Printemps républicain est l’une des têtes de pont, ses responsables ont opéré ces derniers mois une inflexion, voire une volte-face, pour le moins condamnable », regrette Fateh Kimouche, fondateur du site Al-Kanz.

« Il s’est ainsi agi de donner des gages aux contempteurs des musulmans par exemple en approuvant la diabolisation du collectif contre l’islamophobie en France ou, pire, en soutenant activement et ostensiblement le projet de loi raciste contre le prétendu « séparatisme », dont l’essence même est pourtant une atteinte profonde à la laïcité », explique encore l’activiste.

« Chercher à amadouer les ministres Gérald Darmanin et Marlène Schiappa, comme Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire, l’a fait en partageant des articles à charge contre les musulmans, n’aura pourtant pas suffi à sauver cet organisme », conclut Kimouche.

Des avis juridiques qui dérangent

Malgré tout, l’Observatoire avait des avis en faveur d’une application plus libre de la laïcité notamment en séparant clairement les « usagers du service public » des « agents du service public ».

Ainsi par exemple, pour l’Observatoire, des mamans voilées accompagnatrices lors des sorties scolaires ne pouvaient pas être assimilées à des agents du service public et donc n’étaient pas soumises à la « neutralité ».

Par ailleurs, l’Observatoire expliquait aussi que les salariés du secteur privé pouvaient travailler avec le voile. Ces positions, pourtant simples et de bon sens, n’avaient pas plu à la frange la plus radicale dans la société française qui voulait voir les musulmans notamment les femmes voilées disparaître de l’espace public.

Lors des discussions au Sénat sur la loi « confortant les principes républicains », plusieurs amendements comme l’interdiction du voile dans les compétitions sportives, l’interdiction du burkini, l’interdiction des signes religieux aux mineurs n’avaient pas reçu l’aval de l’organisme. Pourtant ce dernier avait clairement pris position en faveur de l’interdiction des signes religieux à l’école votée en 2004.

L’observatoire dit adieu sur son compte Twitter

Suite à l’annonce officielle du gouvernent, l’Observatoire a publié le 5 juin deux derniers tweets qui font preuve d’amertume.

Ainsi, dans ses tweets l’Observatoire cite le discours de Jacques Chirac : « la laïcité est au cœur de notre identité républicaine. Il ne s’agit aujourd’hui ni de la refonder, ni d’en modifier les frontières. Il s’agit de la faire vivre en restant fidèle aux équilibres que nous avons su inventer ». Ensuite, l’Observatoire termine par : « merci d’avoir suivi le compte ». Probablement, l’organisme n’écrira plus et le compte sera supprimé.

Mais au-delà d’un simple compte, c’est tout un système « d’une société apaisée » qui va disparaître. Ainsi, comme le souligne, Philippe Marlière, professeur à University College London, « toutes les conditions sont réunies pour détruire la laïcité ».

D’une part, la laïcité sera donc interprétée en fonction de l’idéologie et de l’agenda politique des gouvernements. Personne ne pourra garantir que la perception de la laïcité d’un tel parti ou de tel président sera la même que celle définie dans les lois.

Même constat chez Maître Sefen Guez Guez qui explique au correspondant d’Anadolu que « la fin de l’Observatoire de la Laïcité permet de faire de la laïcité ce que l’on veut ».

En la plaçant sous leur tutelle, le gouvernement actuel et les futurs gouvernements pourront demander à la nouvelle instance d’appuyer de nouveaux projets contre les musulmans sans qu’aucun organisme ne puisse contester.

Pourtant, le candidat Macron avait catégoriquement refusé la modification de la définition de la laïcité. En revanche, une fois élu, il a fait volte-face pour plaire aux identitaires sur lesquels il compte se reposer pour se faire élire à nouveau en 2022.

En tout cas, cette mise sous tutelle de la laïcité, qui devient de facto « un objet volatil », n’augure rien de bon pour la démocratie, et peut compromettre la paix sociale.

Fatih KARAKAYA

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