Alors qu’il s’apprête à rencontrer, lundi, dans le cadre d’une visite officielle son homologue français Jean-Yves Le Drian, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a souligné dimanche que « la Turquie et la France resteront amies et alliées », notamment au sein de l’organisation du Traité Atlantique Nord (OTAN).
Dans une tribune publiée par le journal « L’Opinion », et rappelant que « les relations entre la Turquie et la France viennent de traverser une période de tension, inhabituelle pour deux pays alliés », Mevlut Cavusoglu a tenu à souligner l’amitié historique liant les deux nations.
Notant également que le « contact établi entre nos Présidents [Recep Tayyip Erdogan et Emmanuel Macron] début mars, nous donne l’occasion de reconsolider nos liens », le chef de la Diplomatie turque rappelle que sa « visite à Paris reflète cette volonté mutuelle » de Paris et Ankara.
Les priorités et enjeux communs de Paris et Ankara
Faisant référence à la guerre en cours en Syrie depuis une décennie ainsi qu’à la situation humanitaire, Mevlut Cavusoglu souligne que « nos deux pays partagent essentiellement les mêmes priorités sur de nombreux sujets importants comme l’acheminement de l’aide humanitaire ou la nécessité d’avancer dans le processus politique en préservant l’intégrité territoriale du pays ».
« Nous avons d’ailleurs eu dernièrement des échanges sincères et fructueux avec la France au sujet de la Syrie », précise le chef de la Diplomatie turque, rappelant également les « désaccords » entre Paris et Ankara « liés à la collaboration de nos alliés avec les terroristes du PKK/YPG dans leur lutte contre Daech ».
« Nul ne peut ignorer que le but réel du PKK/YPG n’est pas de combattre [le groupe armé terroriste] Daech mais d’essayer de diviser la Syrie et de créer une zone contrôlée par ses terroristes à la frontière de l’Europe et de l’Otan », souligne encore Cavusoglu faisant référence aux « YPG », extension syrienne du groupe armé terroriste PKK, responsable de la mort de plus de 40 000 citoyens turcs depuis 1984.
Le ministre turc des Affaires étrangères rappelle également l’importance d’enrichir et d’approfondir la coopération turco-française dans la lutte contre le terrorisme international.
« Face au terrorisme, la France doit savoir qu’elle peut compter sur la Turquie qui est son deuxième plus grand allié au sein de l’Alliance atlantique », souligne encore Cavusoglu ajoutant que « la Turquie est probablement l’allié de la France qui a le plus contribué à sa lutte contre le terrorisme, notamment à travers le partage d’information et le rapatriement organisé des terroristes français appréhendés à la frontière syrienne ».
« Je me réjouis que cette coopération n’ait jamais été entravée et continue toujours », souligne encore le chef de la Diplomatie turque rappelant également l’importance de poursuivre et renforcer cette coopération, notamment à travers un effort de compréhension par Paris du péril constitué par le groupe armé terroriste PKK/YPG.
Autres dossiers importants pour la France et la Turquie
Dans la suite de la tribune publiée dans le quotidien français « L’Opinion », le ministre turc des Affaires étrangères traite également de la situation politique et sécuritaire en Libye ainsi que du contentieux turco-grec en Méditerranée orientale, des dossiers ayant provoqué des tensions entre Paris et Ankara, notamment au cours de l’été 2020.
« En Méditerranée orientale, les différends avec notre voisin grec font aujourd’hui l’objet d’un dialogue serein dans le cadre de divers mécanismes avec Athènes », souligne Cavusoglu avant de réitérer la position de « la Turquie [qui] n’a jamais eu d’ambition expansionniste ».
Soulignant notamment que « la stabilité et l’unité politique » de la Libye font partie des « priorités que nous partageons avec la France », Cavusoglu rappelle que son pays est « ouvert à un dialogue pour trouver des sujets d’intérêt commun en Libye, dont la stabilité affecte la région entière ».
Le ministre turc a également fait référence à la stabilité sécuritaire « dans le Caucase du Sud » suite à la guerre de 44 jours ayant opposé à l’Arménie à l’Azerbaïdjan et s’étant achevée sur la restauration de la souveraineté azerbaïdjanaise sur ses territoires occupés par Erevan depuis trois décennies.
Mevlut Cavusoglu souligne que Paris et Ankara peuvent « ensemble soutenir une paix durable qui bénéficierait à la prospérité de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie. »
En référence à la politisation en France de la question arménienne et à son « instrumentalisation » ainsi qu’à « la déformation de l’histoire à des fins politiques », le chef de la Diplomatie turque souligne que ces méthodes « n’ont jamais permis de résoudre un différend ni d’apporter la justice ».
« Si les revendications infondées d’extrémistes arméniens pouvaient être empêchées de prendre en otage les relations turco-françaises, la Turquie et la France pourraient mieux contribuer à la stabilité du Caucase du Sud par leurs efforts communs », note encore Cavusoglu dénonçant la désinformation produite et diffusée par des réseaux arméniens de France.
Dans un contexte politique tendu depuis la guerre de 44 jours (27 septembre – 9 novembre 2020) plusieurs familles et commerces franco-turcs et franco-azerbaïdjanais, ont subi, de violentes attaques de nationalistes franco-arméniens ainsi que de sympathisants ou membres du groupe armé terroriste PKK/YPG.
Plusieurs médias français, tels que la chaîne de télévision « TF1 », mais également de grands titres de la presse, ont subi diverses formes de menaces au cours des mois passés, les menant à dépublier des reportages et articles décrivant les crimes de guerre et crimes contre l’Humanité commis par les forces armées arméniennes, ainsi que les milices et mercenaires arméniens et étrangers provenant de divers pays dont la France, le Liban ou le Canada, des pays accueillant une importante diaspora arménienne.
« La perception de la Turquie en France affectée par les amalgames et idées reçues »
Traitant également des sujets relatifs à l’adhésion future de la Turquie à l’Union européenne (UE) ainsi que du rôle stabilisateur d’Ankara dans les Balkans, au sud-est de l’Europe, le chef de la Diplomatie turque clôture sa tribune sur ses inquiétudes liées à « la perception de la Turquie en France [qui] a été affectée dernièrement par un certain nombre d’amalgames et d’idées reçues ».
« Nous répétons haut et fort que la Turquie n’a jamais eu une quelconque volonté d’ingérence en France », souligne Mevlut Cavusoglu ajoutant que « l’unique priorité de mon pays vis-à-vis des Turcs de France est celle de leur apporter tout le service public qu’ils attendent de la Turquie tout en favorisant leur intégration réussie ».
Mentionnant également que « les professeurs de langue turque ou les imams répondent aussi à une demande de nos citoyens », Cavusoglu souligne que « ces imams ont d’ailleurs été un atout considérable pour les autorités françaises, notamment parce qu’aucun cas de radicalisation n’a été constaté dans leurs mosquées ».
« La Turquie est un allié indispensable pour combattre les différentes formes de radicalisation. Elle sera toujours aux côtés de la France pour lutter contre les radicalisations, mais aussi pour éradiquer l’islamophobie, les préjugés et les discriminations visant les musulmans », note-t-il encore, faisant une délicate allusion à ce qui a été perçu par nombre d’analystes français et internationaux, comme une vague de stigmatisation de l’Islam et des Français musulmans par une partie de l’Exécutif et des médias français, au cours des mois passés (projets de lois du ministère de l’Intérieur et débat sur « l’islamo-gauchisme »), à des fins politiciennes, notamment pour tenter de capter des intentions de votes destinés au Rassemblement National (RN) de Marine Le Pen, dans les prochaines élections.
« Tous ces points confirment la convergence de nos priorités et l’intérêt que nous avons à agir ensemble avec le renforcement de la confiance mutuelle », affirme le chef de la Diplomatie turque, à la veille de sa réunion officielle avec son homologue français, Jean-Yves Le Drian.
Mevlut Cavusoglu conclut en rappelant que « la Turquie et la France sont deux pays amis et alliés ». « Et ils le resteront », souligne-t-il.
« Nous devons faire en sorte qu’aucune incompréhension ne vienne perturber cette relation d’amitié à laquelle nous sommes sincèrement attachés », ajoute-t-il dans sa tribune publiée dimanche dans le quotidien français « L’Opinion ».