Site icon Medyaturk

Quand la liberté de la presse déplaît au magazine français Marianne

Marianne Anadolu

Il est désormais de notoriété publique que le bureau français de l’Agence Anadolu (AA) et certains de ses correspondants et journalistes sont pris pour cibles par l’institution gouvernementale comme par la presse française.

Il faut dire que la désignation de l’Agence Anadolu comme ennemie sous prétexte de « publication de tribunes fausses » n’est pas très étonnante dans la mesure où elle permet régulièrement la publication d’articles ou de tribunes qui illustrent un climat délétère en France, notamment sur la question de l’islamophobie.

Pour autant, l’Agence Anadolu n’est pas seule à dénoncer ces dérives de l’Exécutif local. Avant de revenir sur ces accusations, il est utile de rappeler les faits.

En effet, le compte Twitter du Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance et de la Radicalisation (SG-CIPDR) a écrit, le 27 avril dernier, que l’AA serait « un organe de propagande qui publie sur son site des tribunes d’opinion attaquant, de façon mensongère et calomnieuse, la France ».

Suite à cette calomnie, l’AA a publié une réponse. Les jours suivants, le magazine français Marianne a publié un article intitulé « propagande haineuse » et « Fake News : l’agence de presse turque Anadolu dans le viseur du ministère de l’Intérieur français ».

Ainsi, le magazine prétend que l’agence « tire à boulets rouges sur la France, son ‘Islamophobie d’Etat’ et sa politique en matière de la laïcité ».

« Qu’un organisme officiel de lutte contre la radicalisation prenne l’initiative de cette mise en garde, en alertant sur ces attaques systématiques téléguidées par le gouvernement turc, montre que le danger est pris très au sérieux », conclut le magazine.

Attaque envers les journalistes

Il semblerait que le magazine veuille attaquer l’AA, ses journalistes et la Turquie en faisant volontairement l’amalgame entre le gouvernement français et la France. Ainsi, pour le gouvernement et ses porte-voix, critiquer la politique du président et de ses ministres revient à critiquer la France. Encore faut-il que les Français soient dupes pour croire à de telles inepties.

À noter par ailleurs que le média en question n’apporte aucune contradiction argumentée sur les sujets traités par Anadolu. Il se contente seulement de dire que c’est faux sans jamais prouver le contraire.

Marianne ne mentionne, à aucun moment, le fait que des dizaines d’associations et de personnalités musulmanes ou non et d’ONG de défense des droits humains, ont fait part des mêmes préoccupations.

À titre d’exemple, le 26 janvier dernier, Kamal Kabtane, président du Conseil des mosquées du Rhône s’inquiétait « d’un climat de suspicion général à l’égard des musulmans ». Cette position ne vient-elle pas corroborer la ligne éditoriale adoptée par l’Agence Anadolu ?

Mais contrairement à l’institution publique, Marianne désigne publiquement un journaliste, en l’occurrence moi, en me désignant comme « un frère musulman ».

Tout d’abord, le média fait de moi « l’ex-président de l’association strasbourgeoise Egalité-Justice ». Outre le fait que je ne connais pas une telle association, je constate simplement le manque de sérieux du journaliste qui visiblement est mal renseigné.

Quelles sont les fausses nouvelles ?

Une fois de plus, Marianne énonce un certain nombre de tribunes, dont je suis l’auteur, prouvant selon lui « les fausses informations ».

Mais ni le journal, ni le conseiller ministériel n’apportent de contradiction ou de preuves pouvant disqualifier ces tribunes ou ces articles. Ainsi, à titre d’exemple, quand on annonce la fin de l’Observatoire de laïcité, parce qu’il ne correspond pas aux « attentes idéologiques du gouvernement », qu’est-ce qui est faux ? Le rapporteur de l’observatoire, Nicolas Cadène, ne dénonce-t-il pas lui-même cette supercherie ?

Ce qui est encore plus frappant, c’est que parmi les articles cités en exemple, un seul est rédigé par mes soins. Il s’agit en l’occurrence du vote du Sénat qui interdit le voile dans les compétions sportives. Dans ce cas, Marianne peut-il affirmer que le Sénat n’a pas adopté une telle loi ? De même, ce magazine peut-il affirmer que d’autres médias n’ont pas relayé cette information ?

La frontière entre musulmans et islamistes

En tout cas, cette attaque de Marianne démontre clairement les thèses défendues par certains journalistes d’Anadolu. En effet, à partir du moment où les critiques s’opposent à la politique gouvernementale, les médias et les politiques tentent de discréditer cette opposition en portant contre elle des accusations péjoratives. Ainsi, comment peut-on expliquer autrement les accusations de « l’islamo-gauchisme », « islamo-nazisme » et autres mots commençant par « islamo », sans oublier « les frères musulmans » qui gouverneraient le monde ?

Quand un ministre de l’Education vous explique que « les enfants musulmans refusent de s’assoir sur du mobilier rouge parce que c’est la couleur du diable », comment rester insensibles à ces mensonges ? D’autant que non seulement dans la tradition musulmane, le diable n’a pas de couleur, mais nombreux pays musulmans dont la Turquie ont du rouge dans leurs drapeaux. Alors quand ces médias accusent l’Agence Anadolu de fake news, ils devraient d’abord commencer à étudier les absurdités qu’ils relaient sans aucune vérification.

Autre exemple : dans les colonnes du JDD, paru dimanche, il est indiqué que les autorités, lorsqu’elles n’ont rien à reprocher aux structures tenues par des musulmans, mais qu’elles veulent les sanctionner et les intimider, usent du criblage administratif. L’article explique à titre indicatif qu’un policier avait « découvert deux tapis de prière dans une partie privée non ouverte au public ».

Justement, ces fakes news servent à disqualifier les musulmans en les classant comme des islamistes alors qu’ils ne demandent qu’à vivre qu’en paix.

Pour prendre un autre exemple, citons Christophe Castaner : « L’offensive républicaine » se fera en frappant au portefeuille ceux qui « placent la loi de Dieu au-dessus des lois de la République ». Il est naturel qu’un croyant, musulman, juif, chrétien ou adepte d’une autre religion, considère la « loi de Dieu » comme sa référence principale. Mais ceci n’est pas contradictoire avec la République et tout croyant se doit de respecter les lois. Pourtant, le gouvernement français contre-attaque justement en propageant l’idée que cela n’est pas possible.

Les mensonges de Macron

Par ailleurs, le 23 avril dernier, la journaliste Nabila Ramdani, parle « d’acharnement contre les musulmans qui empoisonne la vie politique française ». Dans une enquête extrêmement documentée, elle démontre les mensonges du président français, Emmanuel Macron, qui avait prétendu, dans le Financial Times que « des filles de 3 à 4 ans portaient le voile intégral dans certains quartiers tout en étant élevées dans un projet de haine envers la France ».

Elle constate ainsi que non seulement le président n’a jamais apporté la moindre preuve, mais fait la cour à l’extrême-droite. Ni le président, ni le SG-CIPDR n’ont contesté ces révélations. Ce silence peut-il valoir, dans ce cas, de consentement implicite ? Si oui alors, pourquoi le compte gouvernemental s’en prend-il à l’Agence Anadolu ?

On pourrait multiplier les exemples qui vont dans le sens de la ligne éditoriale de l’agence mais force est de constater que ni Marianne ni le gouvernement n’ont le souci de la vérité. Si c’était le cas, ils nous auraient alors expliqué pourquoi il y’a une grande différence entre « Macron candidat » et « Macron président » que nous avons démontré avec des vidéos à l’appui ?

Pour finir, sachant que le rédacteur en chef du journal Marianne, Périco Légasse, a annoncé le 29 avril être candidat sur la liste de Marc Fesneau, soutenu par le MoDem et la République en Marche, pourquoi s’étonner que ce média se fasse porte-parole du gouvernement.

Fatih KARAKAYA

Quitter la version mobile