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La République du BIKINI!

Depuis le début de l’été, le buzz nait d’un article du journal local d’Annaba : le Provincial, publié le 10 juillet et repris sur les réseaux sociaux puis dans les médias. Il est question d’une prétendue « baignade républicaine » d’ algériennes, se donnant rendez-vous sur la plage pour éviter d’y être importunées par des dragueurs grossiers. Celles-ci sont alors érigées, à l’insu de leur plein gré, par certains médias en militantes avant-gardistes luttant en bikini contre le burkini et contre l’obscurantisme musulman.

C’est encore une fois une opération de guerre psychologique qui instrumentalise un simple appel lancé sur un groupe facebook comptant 2876 femmes pour se rendre collectivement à la plage de Serraidi à Annaba afin de se proteger par le nombre contre les dragueurs et voyeurs mal élevés. Ville rebaptisée d’ailleurs par BFM de « Kabylie »…

Or, certaines de ces femmes que Leïla BERATTO a rencontré pour France Inter sur cette même plage de Serraidi, répètent qu’elles n’ont rien contre les femmes habillées différemment, qu’elles n’ont rien contre l’Islam. Et toutes regrettent que des médias français aient déformé leur message. Le bikini n’a jamais été interdit sur les plages algériennes, où les femmes se baignent dans des tenues et au choix.

Yamina RAHOU, sociologue au Centre algérien de recherche en Anthropologie sociale et culturelle, regrette, quant à elle, que la société algérienne, à travers le corps de la femme, soit une fois de plus prise entre « l’enclume » des extrémistes religieux qui veulent une police des moeurs et « le marteau » de la marchandisation du corps des femmes des Occidentaux qui veulent imposer leur modernité débridée.

Or, le fléaux dénoncé par ces femmes est global et concerne toutes les femmes dans tous les pays et de toutes classes sociales. Une étude publiée en octobre 2016, menée par l’Union interparlementaire (UIP) dévoile que la majorité des parlementaires à travers le monde expérimentent en effet une forme de violence psychologique voire physique au cours de leur mandat. Selon l’enquête de cette organisation mondiale des parlements nationaux, basée en Suisse, « le sexisme, le harcèlement et la violence à l’encontre des femmes parlementaires sont bien réels et répandus. Ils laissent présumer que le phénomène ne connaît pas de frontières et existe, à des degrés différents, dans tous les pays du monde, touchant un nombre significatif de femmes parlementaires ». 81,8% des femmes parlementaires interrogées déclarent, en effet, avoir subi une forme de violence psychologique. 44% d’entre elles indiquent même avoir reçu des menaces de mort, de viol, de coups ou d’enlèvement au cours de leur mandat. L’étude décrit également le harcèlement sexuel comme une « pratique courante » ; 20% des élues interrogées déclarent avoir été victimes de ce type de pratique au cours de leur mandat. Une autres enquête publiée le 16 avril 2015 réalisée cette fois, par le haut conseil de légalité entre femmes et hommes « France » révèle que « 100% des femmes ont subi au moins une fois dans leur vie du harcèlement sexiste dans les transports en commun, si ce n’est une agression sexuelle ».

Par ailleurs, en France, chaque jour, 230 femmes sont victimes de viol ou de tentative de viol. une femme sur 5 a déjà subi du harcèlement sexuel au travail, 1 femme sur 10 est victime de violence. Le monde politique et médiatique ne fait pas exception, trop souvent, les femmes journalistes chargées de couvrir la politique sont victimes du sexisme de certains élus et responsables. Quarante d’entre elles se sont d’ailleurs unies pour dénoncer cet état de fait dans le texte manifeste « bas les pattes » publié dans Libération le 4 mai 2015 suite a l’affaire Baupin et peu après les affaires DSK. Malgré leurs privilèges, ces femmes ne font pas le poids face à ces mécanismes de violence et de leurs conséquences sur les victimes. Les agresseurs ont une force que les victimes n’ont pas : ils ont des allié.e.s. Réseau d’ami.e.s prêt.e.s à les défendre, élu.e.s, patron.ne.s de presse, dirigeant.e.s politiques. Tous peuvent s’appuyer sur des gens prêts à témoigner du fait que c’est impossible, qu’eux le connaissent et que jamais il n’aurait pu faire « ça ». Un an après ce premier manifeste ,le 15 mai 2016, 17 anciennes ministres, de droite et de gauche, publient un texte collectif dans le JDD Sous le titre « L’impunité, c’est fini ». Nathalie Kosciusko-Morizet, Fleur Pellerin, Dominique Voynet, Catherine Trautmann, Valérie Pécresse et les 12 autres signataires confirment que harcèlements et agressions sexuels concernent « tous les partis, tous les niveaux de pouvoirs ».

Pour ces personnalités de la politique française, « cette fois, c’est trop, l’omerta et la loi du silence, ce n’est plus possible ». Les exemples de comportements scandaleux d’hommes politiques dévoilés par les signataires de la tribune laissent sans voix : « À part ses seins magnifiques, elle est comment ? » ; « Ta jupe est trop longue, il faut la raccourcir » ; « Est-ce que tu portes un string » ?… Rahma Yade, également signataire de la tribune, relate par ailleurs ces « gens qui vous tripotent, qui vous mettent deux mains autour de la taille et vous serrent ». Là où des ministres doivent déjà subir les comportements les plus vils, les choses empirent lorsque s’ajoute un lien de subordination. En première ligne, les assistantes parlementaires sont parmi les plus vulnérables : « Chaque député est employeur, il a droit de vie ou de mort sur votre carrière », témoigne l’une d’entre elle, qui raconte comment, la semaine dernière, une de ses collègues « s’est fait coincer par son député contre une voiture dans le parking ». Un autre député n’embauche « que des assistantes parlementaires de 22 ou 23 ans d’origine étrangère » « Je travaille à l’Assemblée nationale depuis un peu plus d’un an seulement. C’est peu mais largement suffisant pour constater à quel point la domination masculine y est toujours aussi forte et à quel point celle-ci conduit à des comportements d’un autre âge, extrêmement dégradants pour les femmes », raconte ainsi une assistante parlementaire (qui a préféré garder l’anonymat). Sur Le Plus du Nouvel Obs, dans son témoignage, elle évoque les « blagues » à répétition », « gestes déplacés », « mains qu’on laisse traîner », « les bises particulièrement appuyées », « les sourires dérangeants », « les regards qui se fixent ostensiblement sur une partie du corps » quand ce ne sont pas carrément des « sms ambigus » ou des demandes de numéro. « Pour éviter autant que possible les moments de malaise, on banalise ces gestes, on les intériorise, on les intègre. En somme, on fait tout pour ne pas – trop – se faire remarquer, car quoiqu’on fasse, on sera critiquée. Et ça, c’est terrible, et cela explique que nous sommes peu nombreuses à parler. Que les révélations de scandales soient si rares.

Le sexisme est en réalité un fléau qui demande une mobilisation générale de toutes les consciences sans idéologie, ni instrumentalisation. Ce drame s’inscrit comme une des conséquences des dérives des sociétés mercantiles au sein desquelles la femme est réduite à un produit publicitaire pour vendre voitures et glace pour le marché intérieur mais également comme un argument de guerre néocoloniale sur le plan international…

Moungi Rouiaguia