AQMI: Qu’est ce qui motive la conquête de l’Afrique de l’Ouest?
\r\nStructures tribales marginalisées, trafic en tous genres, fragilité des mécanismes de défense des nouvelles mires, autant de facteurs auraient poussé Al-Qaïda aux pays du Maghreb Islamique (Aqmi) à étendre ses réseaux et ses frappes du nord du continent vers le sahel avant d’atteindre la région ouest-africaine et le golfe de Guinée.
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Aqmi- faut-il rappeler- a vu le jour en janvier 2006, après le refus du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) de rendre les armes, déclinant une initiative du président algérien Abdelaziz Bouteflika pour la réconciliation nationale. Du coup, le GSPC a rejoint la centrale terroriste Al-Qaïda d’Oussama Ben Laden. Sous l’appellation Al-Qaïda au Maghreb islamique, il a pris pour bases arrières la Kabylie et le sud algériens, où il a tant terrorisé.
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Il se trouve, cependant, que le groupe y est à bout de souffle et n’a plus aujourd’hui la force de frappe habituelle en Afrique du Nord. A l’exception de l’attaque du complexe gazier d’In Amenas (sud du pays), en janvier 2013, qui s’était soldée par la mort de 23 otages algériens et étrangers et 24 éléments d’Aqmi, le groupe extrémiste était presque revenu bredouille de la plupart de ses attaques, à travers la bande nord-africaine. Celle-ci regroupe entre autres les frontières tuniso-algériennes. D’où l’orientation vers le Sahel et l’ouest du continent.
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Au total, six raisons motivent le groupe extrémiste parti à la conquête de l’Ouest. Djiby Diakhaté, spécialiste de l’évolution des conflits au Sahel et enseignant à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal), en convient et va plus loin dans un entretien avec Anadolu.
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Le déclin d’Aqmi dans son supposé fief s’explique dans un premier lieu par l’amélioration du climat sécuritaire et la « prise en charge de plus en plus efficace » par les gouvernements algérien et tunisien d’une bonne part de leurs populations, autrefois marginalisées et en détresse, fait observer l’analyste,
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Le spécialiste des conflits du Sahel justifie son constat par le maigre bilan de la dernière attaque perpétrée par le groupe extrémiste contre une patrouille de la garde nationale tunisienne dans la région de Bouchabka (Centre-ouest). Menée par le groupe Okba Ibn-Nafaâ, branche tunisienne d’Aqmi, cette attaque n’a fait que deux blessés parmi les militaires, selon un communiqué diffusé le 30 mars courant par l’agence de presse mauritanienne « Al-Akhbar » (indépendante). Plus tôt durant le même mois, le chef de la même branche, Loqman Abou Sakhr, avait péri lors d’une offensive de l’armée tunisienne sur la frontière avec l’Algérie, selon le Premier ministre tunisien Habib Essid.
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A plus grande échelle, Djiby Diakhaté rattache le changement de stratégie par Aqmi pour en faire du Sahel sa nouvelle terre de prédilection à l’incapacité de contrôler, sur le plan sécuritaire, un vaste territoire à cheval sur dix Etats (Algérie, Sénégal, Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Nigéria, Tchad, Soudan, Cap Vert).
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Un territoire qui s’étend sur 3,05 millions de km2, étant dominé par des structures tribales.
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Evoquant une troisième raison, Diakhaté affirme: « Si Aqmi parvient à recruter aisément dans ces territoires, c’est en raison de la marginalisation de bon nombre des humains vivant dans ces contrées. Les structures tribales marginalisées, dont les Peuls répartis dans tout le Sahel et souvent oubliés par leurs Etats sont une proie facile et comblent ainsi le manque en ressources humaines, généré par la raréfaction des recrues nord-africaines»,
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L’autre facteur expliquant l’accessibilité du Sahel pour Aqmi n’est autre que «les trafics en tous genres auxquels s’adonnent des réseaux du groupe extrémiste, et certains habitants des régions frontalières », relève le spécialiste. De ce point de vue, il fait remarquer que les intérêts des terroristes et trafiquants s’enchevêtrent souvent compliquant ainsi toute tâche de contrôle par les pouvoirs légitimes. « Le Sahel et l’Afrique de l’Ouest sont presque devenus une plaque tournante pour le trafic international de drogues dures telles que l’héroïne et la cocaïne venues d’Amérique Latine et d’Afghanistan. Trafic et terrorisme s’y croisent et rendent difficile toute tâche de contrôle par les pouvoirs légitimes », détaille-t-il.
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En cinquième lieu, il y a la fragilité sécuritaire de la région Ouest du continent, dit Diakhaté. En témoigne l’amère expérience vécue par la Côte d’Ivoire, le 13 mars dernier, avec l’attaque de Grand Bassam (Abidjan), faisant 19 morts. Cette attaque a été revendiquée par Aqmi. «En frappant, Grand-Bassam (Côte d’Ivoire), les éléments d’Aqmi ont pris de court les forces de police et de l’armée concentrée à Abidjan. Ce qui donne à lire des failles sécuritaires qui sont à combler », alerte l’analyste.
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A l’ensemble des raisons évoquées s’ajoute, signale le spécialiste, une autre non moins importante: le désir d’Aqmi de faire mal à la France, en attaquant ses intérêts sur le continent. Le groupe d’Abdelmalek Drougdel veut « punir » l’ancienne force coloniale et ses alliés participant dans les opérations militaires « Serval » et « Barkane » menées dans le Sahel, explique-t-il, encore. A ce propos, il se réfère à un communiqué publié au lendemain de l’attaque de Grand-Bassam, sur Site, le Centre de surveillance des sites internet des groupes extrémistes, dans lequel Aqmi avait affirmé que l’attentat de Grand Bassam était une réponse aux opérations françaises au Sahel et menacé de s’en prendre aux intérêts de l’ancienne métropole, où qu’ils se trouvent.
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L’analyste anticipe du reste qu’«Aqmi ira plus loin dans ses carnages et trouvera les moyens d’étendre ses réseaux jusqu’en Amérique latine avant d’atteindre celle du Nord, tant qu’il y a des populations marginalisées».
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