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Pourquoi Ekrem Imamoglu, maire d’Istanbul, a-t-il été arrêté ?

Ekrem Imamoglu, maire d'istanbul

Une enquête tentaculaire révèle un réseau de corruption présumé autour d’Ekrem Imamoglu, l’édile d’Istanbul.

Ekrem Imamoglu, figure de proue de l’opposition en Turquie et maire métropolitain d’Istanbul, a été arrêté dans le cadre d’une vaste enquête pour corruption. Selon les autorités, il serait à la tête d’une organisation criminelle ayant détourné des milliards de livres turques via des sociétés-écrans, des appels d’offres truqués et des transferts financiers illicites.

Un réseau structuré au sommet de la municipalité

L’enquête menée par les services du ministère de l’Intérieur et appuyée par les rapports de MASAK (Cellule de lutte contre les crimes financiers), a mis au jour une organisation présumée dirigée par Ekrem Imamoolu. Plusieurs hauts responsables de la municipalité — dont le directeur de Medya A.Ş. Murat Ongun, le président du club sportif municipal Fatih Keleş, ainsi que des proches collaborateurs — sont également mis en cause.

Les accusations comprennent :

  • Corruption active et passive,
  • Truquage des appels d’offres publics,
  • Blanchiment d’argent via des factures fictives,
  • Collecte illégale de données personnelles,
  • Détournement de fonds publics,
  • Enrichissement sans cause.

L’enquête repose sur des preuves matérielles : écoutes téléphoniques, analyses de transferts bancaires, témoignages de 25 personnes (dont plusieurs anciens employés municipaux) et documents fiscaux.

Détournements, sociétés-écrans et fausses factures

Selon les procureurs, plusieurs sociétés proches d’İmamoğlu auraient perçu d’importantes sommes d’argent en échange d’attributions illégales de marchés. Les flux financiers auraient ensuite été dissimulés à travers des entreprises-écrans et des montages financiers complexes.

L’un des cas emblématiques est celui de Güllüce Tarım A.Ş., une entreprise créée en 2021 avec un capital initial de 50 000 ₺, ayant acquis trois villas d’une valeur de 32 millions ₺, avant d’être revendue à une société appartenant à Imamoglu. L’acquéreur initial aurait ensuite bénéficié d’un contrat public de 2,1 milliards ₺ avec KİPTAŞ.

Des pressions sur les médias et le monde des affaires

Une autre dimension de l’enquête concerne la manipulation de l’opinion publique. Des journalistes, influenceurs et médias auraient été rémunérés pour servir les intérêts de l’organisation. Des accusations de menaces contre des chefs d’entreprise réticents à verser des pots-de-vin ont également été documentées, notamment dans le dossier Capacity AVM, où un homme d’affaires affirme avoir été menacé pour avoir refusé de payer 5 millions d’euros.

Une vidéo au cœur du scandale

Les enquêteurs s’intéressent aussi à une vidéo diffusée précédemment, montrant des individus comptant d’importantes sommes en espèces dans un cabinet d’avocats. Selon les autorités, ces fonds proviendraient de plusieurs mairies d’arrondissement et auraient été utilisés pour l’achat du siège du CHP à Istanbul. İmamoglu aurait personnellement coordonné cette opération selon les enquêteurs.

Deux enquêtes fusionnées, un total de 68 milliards ₺ en jeu

Deux dossiers principaux ont été regroupés :

  1. L’affaire liée à l’achat du siège du CHP en 2019,
  2. Les irrégularités dans les appels d’offres pour la publicité extérieure menées par Kültür A.Ş. et Medya A.Ş.

Le montant total des détournements présumés s’élèverait à 68 milliards ₺. Ces montages impliqueraient plusieurs sociétés telles que BVA Medya, MSO Reklam, Urban Medya et d’autres structures satellites.

Un dossier hautement politique pour Ekrem Imamoglu?

Alors qu’Ekrem Imamoglu était considéré comme un potentiel candidat de l’opposition à l’élection présidentielle, son arrestation suscite de nombreuses réactions sur la scène politique turque. Ses partisans dénoncent une tentative de neutralisation politique, tandis que les autorités insistent sur la gravité des faits reprochés.

L’enquête, en cours, pourrait déboucher sur de nouveaux mandats d’arrêt et des perquisitions. Par ailleurs, plusieurs suspects seraient actuellement en fuite.

Source : Nouvelle Aube