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Achille Mahé : il faut continuer à dénoncer les fournisseurs d’armes

Achille Mahé est un expert chercheur associé Centre de recherche, d’information, sensibilisation et éducation pour le désarmement (CRIDS). Michelle Toussaint a interrogé le spécialiste sur la situation catastrophique au Yémen et la volonté de la France de continuer à vendre des armes.

Michelle Toussaint : Quel peut être le rôle de la France sur la guerre de l’Arabie Saoudite contre le peuple du Yémen ?

Achille Mahé : La France vend des armes, ceci est déjà un rôle bien embarrassant car de nombreux crimes sont perpétués au Yémen par la coalition menée par Riyad depuis 2014.

Depuis 2015, la France a livré à l’Arabie saoudite des véhicules multi-missions Aravis, des fusils de précision, des systèmes d’artillerie de gros calibre, des véhicules blindés de combat, des patrouilleurs, des intercepteurs. Les autorités françaises continuent aussi à délivrer chaque année pour des milliards d’euros de licences d’exportation, le commerce se poursuit. La France ne s’est pas contentée de continuer à vendre des armes à l’Arabie saoudite et ses alliés : elle a aussi poursuivi son assistance technique pour maintenir ses armes en conditions opérationnelles.

Des entreprises comme MBDA, Nexter, Thales, Soframe sont parmi les fournisseurs. Ainsi, depuis 2015, Nexter a livré à l’Arabie saoudite 115 véhicules de combat Aravis et aurait aussi livré des munitions d’artillerie susceptibles d’être tirées par des canons Caesar déployés dans le cadre du conflit. TDA Armements, une filiale de Thales, aurait vendu une grande quantité d’obus de mortier.

Le groupe Renault Trucks Defense a livré des blindés légers Renault Sherpa et VAB Mark 3 à l’Arabie saoudite. Et bien sûr la dernière en date les 80 rafales et de 12 hélicoptères Caracal pour les EAU.

6 milliards de ventes d’arme 6 millions d’aides humanitaires

Selon Oxfam la France a livré pour plus de 6 milliards de matériels militaires á l’Arabie Saoudite depuis 2015, en comparaison en 2020 la France a contribué avec un financement humanitaire d’à peine 9 millions d’euros lors de la conférence international de bailleurs. Disclose a également fourni dans : Révélations sur des ventes d’armes illicites à l’Arabie saoudite et La France partenaire des crimes des Emirats arabes unis des documents qui montrent le rôle de la France dans ce conflit. Notons que La France «condamne fermement les tentatives d’attaques aériennes dirigées contre l’Arabie saoudite les 7 et 8 février», a relevé la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.

La France joue son rôle de défenseur des droits de l’homme, on le voit très bien ! Elle tient très bien son rôle de 3ème exportateur mondial d’armement.

MT : Les pressions internationales pour des négociations de paix peuvent-elles aboutir ?

Il faut l’espérer ! Seulement y a-t-il eu une véritable pression de la part de la communauté internationale ce conflit qui dure depuis 7 ans.

Joe Biden a suspendu les ventes d’armes américaines, l’Italie aussi en 2019, Angela Merkel a stoppé les ventes d’armes après l’assassinat de Jamal Khashoggi… d’autre ont suivi d’autre ont continué ! Bien sûr stopper les ventes d’armes ne met pas fin à un conflit, mais c’est clairement un pas vers la paix.

En 2015, les Russes mettent un veto face à la demande d’embargo sur les armes particulièrement soutenu par les Britanniques, les Américains et les Français cette embargo visait l’Iran qui soutient les Houti. Les tensions qui existent entre les grandes puissances sont des obstacles de la paix.

Les plus grandes pressions proviennent de plus en plus des ONG et de la population civile qui se préoccupent des populations et qui ne voient qu’une seule chose le peuple Yéménite souffre.

MT : Que risque-t-il de se passer maintenant ?

C’est difficile à dire, le Yémen est détruit, ses écoles, ses hôpitaux, son patrimoine culturel ont disparu avec la guerre.

La situation sanitaire du pays est dramatique, la crise sanitaire que connait le Yémen est épouvantable, inhumaine.

Que va-t-il se passer maintenant ? La communauté internationale enverra de l’argent pour « aider » le chiffre de 1,7 milliards est annoncé, le chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a prévenu que ce montant ne représente que la moitié de ce qui est nécessaire pour gérer la crise humanitaire. 

La guerre n’est pas terminée … Le Yémen risque de tomber dans cette sorte de nouvelle guerre hybride, frappes aériennes éparses et discontinues, attentats, attaques des Houti réponse de l’Arabie Saoudite et vice et versa.

Ce qui est certain maintenant : la population meurt.

MT : Quel est l’impact de la famine sur la situation ?

Plus de 24 millions de personnes, soit 80 % de la population du pays, ont besoin d’une aide d’urgence. C’est plus que dans aucun autre pays du monde.

Plus de la moitié de la population ne mange pas à sa faim. 7,4 millions de personnes souffrent de malnutrition, dont 2 millions d’enfants. La plupart des infrastructures agricoles, entrepôts sont détruits.

Les approvisionnements alimentaires, dont près de 90 % devaient être importés même avant le conflit, sont considérablement perturbés. Les prix flambent, la pauvreté grandit.

MT : Quelles sont les conséquences pour les enfants ?

En 2020, 12 millions d’enfants yéménites ont besoin d’une aide humanitaire pour vivre. Ils vivent quotidiennement dans la violence et son des proies.

En 2018, l’UNICEF recensé la mort d’un enfant toutes les 10 minutes. Les plus jeunes paient le prix fort : entre janvier et avril 2018, 224 enfants ont été tués et 333 ont été mutilés à cause du conflit. Aujourd’hui 2 millions d’enfants souffrent de malnutrition, et un demi-million souffre de malnutrition aiguë. Le manque d’eau potable et les maladies aggravent la situation déjà désastreuse à cause du conflit. Environ 1,2 millions de femmes enceintes connaissent le même sort, les naissances n’ont pas lieu dans les hôpitaux la plupart détruits par la guerre.

La guerre a détruit les écoles, 2 millions d’enfants n’avaient plus accès à l’école, la pandémie de Covid-19 a accentuée cette situation : 5 millions d’enfants supplémentaires sont privés d’éducation. Un avenir bien trop sombre.

MT : Comment pouvons-nous aider ?

Continuer à dénoncer la guerre. Continuer à divulguer les informations. Ne pas garder le silence face à la situation que connait le Yémen. Faire pression sur les acteurs du conflit, les fournisseurs d’armes et ne pas oublier les crimes qui sont commis.

Soutenir les ONG dans leurs combats, qui sont directement sur le terrain, les dons sont possibles.

Interview réalisée par Michelle Toussaint

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