Les déclarations du président américain qualifiant, samedi, les événements de 1915 de « génocide arménien », continuent de provoquer des réactions à l’échelle internationale.
« Le peuple américain honore tous les Arméniens qui ont péri lors du génocide qui a été perpétré il y a 106 ans jour pour jour », a notamment déclaré Joe Biden le 24 avril 2021, le chef d’État américain rompant ainsi avec la longue tradition des présidents des États-Unis, de s’abstenir d’utiliser ce terme.
Une erreur qu’aucun président américain n’avait commise
Interrogé par l’Agence Anadolu (AA), suite à la déclaration du chef d’État américain, l’historien Maxime Gauin a estimé qu’il s’agissait d’« une erreur qu’aucun président américain n’avait commise » auparavant.
Le chercheur français a notamment fait d’état d’une forme de turcophobie chez le président des États-Unis.
« Joseph Biden a un problème personnel avec les Turcs. C’est d’ailleurs visible avec l’affaire Hampig Sassounian », a rappelé Gauin, en référence au terroriste arméno-américain membre de l’ASALA et assassin en 1982 de Kemal Arıkan, consul général de la Turquie à Los Angeles, aux États-Unis.
« Le gouverneur de Californie, très lié à M. Biden, a renoncé à bloquer la libération de ce terroriste, condamné à perpétuité pour l’assassinat du consul général de Turquie à Los Angeles », rappelle notamment l’historien ajoutant que « le ministère fédéral de la Justice [des États-Unis] a laissé sans réponse les demandes pour une arrestation d’Hampig Sassounian par le FBI et son incarcération dans une prison fédérale ».
Sassounian, condamné a la perpétuité sans possibilité de réduction de peine, pour son attentat terroriste meurtrier, avait demandé sa libération conditionnelle le 14 décembre 2016 après trois refus en 2006, 2010 et 2013 La demande avait été acceptée par la Justice californienne après plusieurs délibérations des autorités judiciaires californiennes, et Sassounian avait été libéré au début de l’année 2021.
Le Secrétaire d’État américain Antony J, Blinken avait publié un communiqué déclarant être « profondément déçu par l’octroi attendu de la libération conditionnelle dans l’État de Californie de Hampig « Harry » Sassounian, qui a été reconnu coupable du meurtre en 1982 du consul général de Turquie à Los Angeles Kemal Arikan. »
« Attaquer un diplomate n’est pas seulement un crime grave contre un individu en particulier, c’est aussi une attaque contre la diplomatie elle-même. Pour assurer la sécurité des diplomates américains dévoués qui servent dans le monde entier, les États-Unis ont depuis longtemps pour position de préconiser que ceux qui assassinent des diplomates reçoivent la peine maximale possible et qu’ils purgent ces peines sans libération conditionnelle ni libération anticipée », ajoutait encore le Secrétaire d’État américain.
« Nous offrons à nouveau nos plus sincères condoléances à la famille de M. Arikan et à nos collègues du Ministère turc des Affaires étrangères pour leur perte », déclarait Blinken.
Réactions d’incompréhension et de colère à la déclaration de Joe Biden
Les réactions d’incompréhension et de colère se sont multipliées sur les réseaux sociaux suite à la déclaration du président américain samedi qualifiant les événements de 1915de « génocide ».
« Alors, Biden dit à Erdogan qu’il qualifiera le massacre d’Arménien de #génocide, mais mentionne qu’il recherche « une relation bilatérale constructive avec des domaines de coopération élargis et une gestion efficace des désaccords » avec la #Turquie! Est-ce une farce? », notait la Fédération des Associations Turques de Suisse Romande (FATSR) dans un tweet.
L’ambassadeur de Turquie à paris, Ali Onaner partageait samedi une publication du ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu, et soulignait, l’importance de commémorer les victimes du terrorisme arménien de l’ASALA, du JCAG et de l’ARA, notamment les diplomates assassinés par ces groupes armés terroristes :
« Nous garderons toujours la mémoire de nos diplomates martyrs, que nous avons sacrifiés au terrorisme arménien. Nous travaillerons jour et nuit pour être dignes d’eux. Que leurs âmes soient bénies », notait le chef de la Diplomatie turque.
L’ambassadeur d’Azerbaïdjan à Paris, Rahman Mustafayev citant l’historien Gilles Veinstein, rappelait que les « victimes oubliées » des événements de 1915 ne sont autres que les Musulmans et les Turcs :
« Gilles Veinstein, prof. d’histoire ottomane, «Trois questions sur un massacre», L’Histoire, avril 1995, p.40: «S’il y a des victimes oubliées ce sont bien de nombreuses victimes musulmanes et les Turcs sont en droit de dénoncer la partialité de l’opinion occidentale à cet égard», tweetait le diplomate azerbaïdjanais.
Position de la Turquie concernant les événements de 1915
La position de la Turquie concernant les événements de 1915 est que les Arméniens morts en Anatolie orientale ont été tués lorsque certains d’entre eux ont pris le parti des envahisseurs russes et se sont révoltés contre les forces ottomanes. Une réimplantation ultérieure des Arméniens a fait de nombreuses victimes.
La Turquie s’oppose à la qualification de ces événements comme « génocide », les décrivant comme une tragédie dans laquelle les deux parties ont subi de nombreuses pertes.
Ankara a proposé à plusieurs reprises la création d’une commission conjointe d’historiens turcs et arméniens ainsi que d’experts internationaux pour se pencher sur la question.
En 2014, le premier ministre de l’époque, Recep Tayyip Erdogan, avait exprimé ses condoléances aux descendants des Arméniens qui ont péri lors des événements de 1915.