La semaine dernière, la Turquie a occupé une large partie de l’actualité française suite à l’interview d’Emmanuel Macron sur la prétendue « ingérence turque » dans les affaires intérieures de la France.
Lors de son interview consacrée à la Turquie, Emmanuel Macron a fait part de son inquiétude concernant ce qu’il avait qualifié d’ingérence de la Turquie dans les élections, par le biais « d’organes de propagande ». Il a ainsi visé indirectement l’Agence Anadolu.
Selon le président français, l’agence aurait fait dire à Macron « ce qu’il n’a jamais dit » à savoir « je soutiens les caricatures ».
En fait, depuis le discours de Mureux en octobre 2020, la croisade d’Emmanuel Macron contre l’islam et les musulmans de France ne faisait que prendre de l’ampleur.
Le Président a beau se défendre, dans ce discours. Il a utilisé plus de 103 fois les mots « islam, musulmans, islamisme ». Il a même affirmé que « l’islam était en crise » déclenchant une vague d’indignation dans le monde musulman.
Par la suite, il a également défendu la liberté de caricatures. Certaines collectivités territoriales ont projeté ces caricatures sur des bâtiments publics.
En outre, l’Assemblée nationale a voté le projet de loi « confortant les principes républicains », initialement baptisé projet de « loi sur le séparatisme », visant particulièrement les musulmans de France.
Entre-temps, « la charte pour un islam de France » dite « Charte des imams » a été également imposée par le pouvoir aux fédérations composant le Conseil du culte musulman.
Celles qui n’ont pas signé, à cause d’un certain nombre de questionnements légitimes, ont eu droit à des menaces de représailles. Ces menaces sont en cours d’exécution, notamment contre la mosquée Eyyub Sultan de Milli Gorus qui en fait les frais alors que le droit local lui donne raison. De plus, le sénat a validé un amendement interdisant les mères accompagnatrices de porter le voile lors des sorties scolaires.
Les informations qui dérangent Macron
Dans son interview le président Macron s’offusque, d’une part, sur un prétendu « fake news » contre lui et des risques d’ingérence lors des élections. Selon le Président, le fait que l’Agence Anadolu, donc un média turc, traite de l’actualité de l’islamophobie est une forme d’ingérence. Ainsi, il pense que ces informations nuisent à son image et peuvent empêcher les compatriotes musulmans de voter pour lui.
Pourtant, l’Agence Anadolu ne fait que reporter les informations vérifiées et sourcées avant de les diffuser auprès de ses abonnés.
Ainsi, récemment encore, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a publié un avis très critique contre « le projet de loi séparatisme ». La CNCDH est une institution nationale de promotion et de protection des droits de l’Homme française créée en 1947.
Assimilée à une Autorité administrative indépendante (AAI), elle est une structure de l’Etat qui assure en toute indépendance, auprès du Gouvernement et du Parlement un rôle de conseil et de proposition dans le domaine des droits de l’Homme, du droit et de l’action humanitaire et du respect des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques.
Par ailleurs, une vingtaine d’intellectuels étrangers ont regretté « le recul de la démocratie en France » et ont dénoncé « des effets pervers sur l’état de droit ou sur les personnes de confession musulmane ».
Dans ce cas, comment le président français peut-il essayer de décrédibiliser le travail de la presse ? S’agit-il d’une forme d’intimidation envers les journalistes qui font leur travail ? En tout cas, quoi qu’ils pensent de Macron, la rupture entre lui et les musulmans semble actée.
Ingérence dans les élections
Par ailleurs, le président français a affirmé qu’il n’accepterait « aucune ingérence lors des élections ».
Encore, une fois, Macron est resté très évasif sur la manière de l’ingérence. Qu’a-t-il voulu dire par ingérence ? L’absence d’explications sur la pensée du Président à ce sujet ouvre, ainsi, la voie à des interprétations multiples. Le président Macron penserait que le président Erdogan envisagerait de demander à voter contre lui.
Si cette hypothèse s’avère vraie, elle serait encore plus néfaste contre Macron lui-même, dans la mesure où elle constituerait un aveu de défaite avant les élections.
D’autre part, à l’heure actuelle, il n’existe aucun parti politique français qu’on peut qualifier de « pro-turc ». En appelant à voter contre Macron, pour qui Erdogan pourrait-il demander de voter ?
Par ailleurs, Macron prend des précautions pour sa défaite et fait croire aux électeurs français que son adversaire potentiel serait un pion d’Erdogan. Les Français vont-ils avaler cet hameçon, eux qui ont connu, de par l’histoire, beaucoup mieux comme stratagème.
L’ingérence française en Turquie
En revanche, s’il y a bien un aspect démontré, c’est bien l’ingérence française en Turquie. En effet, selon le journal Le Monde, le président français est un fervent lecteur des journaux, tous les matins. Il n’a donc pas pu lui échapper les dizaines d’articles à charge contre la Turquie.
Alors, s’il est tout à fait compréhensible que la presse française soutienne la position de Macron, -quoique la presse se doive d’être objective-, on a du mal à voir le parti-pris systématique pour l’opposition turque.
Ainsi, de Marie Jego (Le Monde) à Delphine Minoui (Le Figaro), en passant par Guillaume Perrier (Le Point) et Ludovic De Foucaud (France 24), « ils se comportent tous comme des journalistes militants », selon des citoyens turcs qui vivent en France et qui lisent leurs articles.
D’ailleurs, Marie Jego n’hésite pas à qualifier Meral Aksener, leader du parti nationaliste, « de dame de fer, seule capable de battre Erdogan », quand Delphine Minoui écrit en faveur de Ekrem Imamoglu ou de Mansur Yavas en traitant de « corrompus » les membres de l’AK Parti.
Quant à Guillaume Perrier, lui qui n’a jamais interrogé un membre de l’AK Parti dans sa vie, accorde une page entière à Ahmet Davutoglu, ancien Premier ministre sous Erdogan, devenu désormais opposant.
Le représentant de France 24, organe de presse public, partage sur son compte twitter, un compte anonyme qui accuse le chef de communication turque Fahrettin Altun de recourir à des faux comptes pour augmenter le nombre de partages de ses propres tweets.
Ce qui est frappant c’est que tous les sujets, y compris les plus locaux, propres à la Turquie font l’objet d’un article sans parler des titres malsains comme « le sultan, l’autoritaire le dictateur, l’éradicateur ».
L’ingérence diplomatique française
Au-delà des médias, la diplomatie française s’active également dans les affaires de la Turquie. Quand Emmanuel Macron explique qu’il n’était pas normal « qu’Erdogan réagisse aux affaires de la France », son ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean Yves Le Drian condamne « la lutte contre le terrorisme, ordonne à la Turquie de ne pas dissoudre le HDP, critique la sortie de la convention d’Istanbul ».
Il n’hésite pas, non plus, à commenter la décision de retransformer en mosquée, le musée de Sainte-Sophie.
En outre, les diplomates français font de l’ingérence en participant aux procès de certains accusés comme Can Dundar, à afficher le soutien aux universitaires qui ont fait de l’apologie du terrorisme.
Soutenir directement des organisations qui font des attentats en Turquie est la forme la plus grave d’ingérence française. C’est surtout un soutien au « séparatisme », pourtant cher à Macron.
On peut ainsi multiplier les exemples qui démontrent la vraie ingérence française dans les affaires turques. A l’heure actuelle, aucun média turc n’a fait un reportage avec un candidat français, les médias turcs ne s’intéressent pratiquement jamais à la France surtout pas aux élections locales. Mais les médias français s’aventurent à écrire « Mansur Yavas, l’homme qui fait trembler Recep Tayyip Erdogan ».
A ce niveau-là, la France est largement en avance.