Plusieurs dizaines d’Ouïghours protestent depuis 90 jours devant le consulat de Chine à Istanbul en Turquie pour réclamer des nouvelles de leurs familles restées en Chine.
Ces familles ont décidé de faire un sit-in devant le consulat, ne serait-ce que pour avoir des nouvelles de leurs proches, alors que l’attitude de la Chine envers la communauté turcophone ouïghoure pose des sérieux doutes au niveau de la communauté internationale.
De plus de plus de rapport dénoncent, en effet, l’attitude de la Chine envers la communauté Ouïghoure turcophone.
Selon les experts de l’Institut Newlines, « la Chine viole l’article II de la Convention de Genève, relative au génocide ».
Pourtant, depuis quelques semaines les ambassades de Chine partout dans le monde, notamment en France, tentent de démentir les allégations de plus en plus évidentes avec des opérations de communication.
Alors que l’ambassade de Chine à Ankara s’appuie sur l’amitié entre les peuples chinois et turcs, celle en France met l’accent sur « la lutte contre le terrorisme et le radicalisme ».
Par exemple, des médias, liés au gouvernement chinois, ont publié des photos comparatives d’une rue prise en 1989 et en 2021 dans la province du Xinjiang. Partagées également par l’ambassade de Chine en France, le 11 mars, ces photos prouveraient la réussite « de la déradicalisation ».
Pourtant, la seule différence entre ces deux photos est l’absence de femmes voilées dans les clichés les plus récentes.
Selon la Chine, le fait de porter le voile prouve déjà une certaine radicalisation.
Toutefois, selon le député européen, Raphael Glucksmann, « Plus d’un million de jeunes ouïghours sont visés par les programmes de transferts forcés de population ».
D’après lui, « c’est un crime en cours contre l’humanité ». Très actif dans la défense des droits des Ouïghours, le député regrette « les réactions européennes, faibles ».
La version de la Chine contestée par les Ouïghours de Turquie
Il faut reconnaître que la Chine tente par tous les moyens de convaincre la communauté internationale de sa bonne foi. Mais en réalité, elle refuse d’ouvrir ses portes aux médias indépendants. Seuls sont autorisés les médias qui diffusent la version officielle du régime.
Pourtant, les Ouïghours de Turquie réfutent la propagande de la Chine.
Avec plus de 50 000 réfugiés ouïghours, la Turquie est devenue la première destination des exilés de la persécution chinoise.
Parmi eux, un membre de la famille Faruk a accepté de témoigner à l’Agence Anadolu. Omer Faruh âgé de 31 ans, vit depuis presque 4 ans à Istanbul.
Tout avait commencé en 2016, lorsqu’il se trouvait en Arabie Saoudite depuis 2013 pour ses études.
Mais, chaque année, « je me rendais en Chine. Et la dernière fois que j’y étais c’était au mois de septembre 2016 », a-t-il confié à Anadolu.
D’après son témoignage, au mois d’octobre 2016, sa femme restée en Chine lui explique que la police est venue réclamer les passeports de la famille.
Omer Faruh décide alors de prendre immédiatement des billets pour sa femme est ses deux filles pour Istanbul.
« Mes deux autres filles étaient petites et n’avaient pas encore de passeport », explique le jeune homme qui tient désormais un commerce à Istanbul.
Ensuite, il décide de se rendre à Istanbul pour accueillir sa femme et ses deux filles.
« Mes frères devaient s’occuper des passeports de mes filles et elles devaient nous rejoindre », a-t-il indiqué.
Aujourd’hui, âgées de 5 et 6 ans, « je n’ai plus aucune nouvelle d’elles, ni de mes parents ni de mes frères », confie le père de famille.
Ses filles sont citoyennes turques
Après s’être installé en Turquie, Omer Faruh obtient la nationalité turque pour tous les membres de sa famille y compris ses filles restées en Chine.
Selon son témoignage, le lien de la famille avec la Turquie n’est pas récent.
Omer Faruh appartient à une famille riche, dont les frères possèdent des hôtels en Chine. « D’ailleurs, mes frères avaient investi énormément en Turquie. Ils avaient commencé à construire un hôtel à plus de 100 millions de dollars à Ankara, dans la capitale turque ».
Il pense que, justement, ces investissements « n’ont pas plu à la Chine qui a décidé de spoiler tous les biens de la famille ».
N’ayant plus aucune nouvelle de ses deux frères, il pense qu’ils ont été « transférés dans des camps de [rééducation] à défaut d’être tués », poursuit le jeune homme.
Très actif sur les réseaux sociaux, pour réclamer justice, il ne supporte plus « les mensonges de la Chine sur les Ouïghours ».
90 jours de protestations sans résultat
Il rappelle que depuis 90 jours, des centaines de familles n’ont plus aucune nouvelle de leurs familles. D’après les estimations de Mirza Ahmed, porte-parole du groupe protestataire, au total 5 mille 199 personnes ne donnent plus signe de vie à leurs proches en Turquie.
Comme les autres familles, devant l’ambassade de Chine en Turquie, il affiche les photos de ses filles, de sa mère de 60 ans en fauteuil roulant et de ses frères, pour avoir au « moins un signe de vie ».
En effet, malgré plusieurs interventions de l’ambassade de Turquie à Pékin, le régime communiste refuse de communiquer sur le sort des Ouïghours « qu’il qualifie de terroristes ».
Réfutant, aussi, toute pression de la part de la Turquie, il se dit, au contraire « soutenu par le gouvernement turc ».
Sa seule volonté, aujourd’hui, est de faire entendre sa voix au monde entier pour que la persécution des Ouïghours s’arrête et qu’enfin, ils puissent vivre librement. Il espère que « les mensonges de la Chine seront révélés et les coupables seront jugés ».
Fatih KARAKAYA