Le candidat de l’AKP à l’élection municipale d’Istanbul, Binali Yildirim, a reconnu dimanche 23 juin sa défaite face au candidat de l’opposition, Ekrem Imamoglu, qui l’avait déjà battu le 31 mars. Le résultat avait alors été invalidé et un nouveau scrutin convoqué.
Le 31 mars dernier Ekrem Imamoglu avait gagné avec 19 000 voix. Dimanche 23 juin, le candidat du CHP, Ekrem Immaoglu gagné avec 53,7% des voix contre 45,4% pour Binali Yildirim ancien Premier ministre de la Turquie. Le candidat du CHP a même creusé l’écart en ayant eu 777 000 voix d’avance.
Les raisons de la défaite
L’usure du pouvoir
L’une des premières raisons est sans nul doute l’usure du pouvoir. Binali Yildirm est élu député à la Grande Assemblée nationale de Turquie sous les couleurs de l’AKP, à l’issue des élections législatives de 2002, largement remportées par son parti.
Il est nommé ministre des Transports dans le gouvernement d’Abdullah Gül et conserve ce portefeuille stratégique dans le cabinet dirigé par Recep Tayyip Erdoğan, fondateur et dirigeant de l’AKP dont il est l’un des plus fidèles. Comme ministre des Transports, il est le responsable des grands projets d’aménagement des infrastructures décidés par le Premier ministre comme l’expansion des aéroports et des lignes à grande vitesse.
À l’exception des périodes pré-électorales, il conserve cette responsabilité jusqu’en 2013. Après les élections de 2015 il est rappelé par Ahmet Davutoğlu. En 2016, ce dernier annonce le 5 mai, son retrait de la présidence de l’AKP et de son poste de Premier ministre à la suite de désaccords avec le président. Lors de sa démission effective le 22 mai, le président Erdoğan choisit alors Yıldırım comme nouveau chef de l’exécutif.
En 2017, l’adoption par référendum d’une importante réforme constitutionnelle visant à faire évoluer le pays vers un régime présidentiel doit aboutir à l’abolition du poste de Premier ministre après les élections législatives anticipées de 2018 organisées avec l’élection présidentielle dans le cadre d’élections générales. L’application de cette disposition constitutionnelle intervient le 9 juillet 2018.
Les réfugiés syriens
Depuis la guerre civile syrienne en cours depuis 2011 la Turquie a accueilli plus 3 620 0 00 Syriens. Istanbul est la province avec le plus grand nombre de réfugiés avec 536 000 Syriens, soit 3,35%s de la mégalopole. Le nombre de réfugiés syriens à Istanbul est équivalent à celui de la communauté entière turc en France. Le visage d’Istanbul a changé et créé l’exaspération d’une partie de la population.
Le jeu des alliances
La victoire d’Istanbul a été une stratégie d’alliances. Les deux grands candidats en lice pour la municipale d’Istanbul étaient Binali Yildirim, candidat de l’Alliance du Peuple (AK Parti, parti de la justice et du développement et le MHP, parti de l’action nationaliste), Ekrem Imamoglu, candidat de l’Alliance de la Nation (CHP, Parti républicain du peuple et le Parti Iyi), bien que le HDP, le Parti démocratique des peuples n’ait pas de candidat ses partisans ont largement participé à la victoire d’Ekrem Immaoglu et ont fait la fête avec ceux du CHP.
Economie
La population turque est pénalisée depuis la tentative de coup de 2016 par une attaque d’envergure contre son économie. La Turquie subit une inflation à 20%, un effondrement de la livre turque et un chômage élevé.
Erdogan est-il le grand perdant ?
La perte d’Istanbul, la ville la plus riche (un tiers du PIB) et la plus peuplée de Turquie est un sérieux échec pour M. Erdogan, qui a été maire d’Istanbul de 1994 à 1998, et pour son parti l’AKP. En mars, le Parti présidentiel avait également perdu la capitale Ankara après 25 ans d’hégémonie.
Jour pour jour il y a un an lors de l’élection présidentielle turque de 2018, Recep Tayyip Erdogan avait reçu 4 578 454 voix et son adversaire du CHP, Muharrem İnce 3 378 021 voix, un écart d’un million de voix. De ce fait c’est bien le candidat Binali Yildirim et le président le grand perdant des municipales d’Istanbul.
Fatih Tufekci