A l’origine de la guerre du Yémen, il y avait les conflits tribaux et confessionnaux internes au pays. Mais aujourd’hui l’enjeu est régional et implique deux puissances voisines : l’Arabie saoudite et l’Iran auxquels le Yémen sert de champs de bataille.
Situation géographique et historique du Yémen
Le Yémen, dont la capitale est Sanaa, est situé à la pointe sud ouest de la péninsule arabique, il présente une importante façade maritime sur le golf d’Aden et contrôle le détroit de Bab-el Mandeb qui mène vers le canal de Suez.
Ce jeune pays est né en 1990 suite à la réunification du Yémen du nord (sous le protectorat Ottoman jusqu’en 1918, suivie d’une monarchie portant le nom de royaume Muttawakkilite du Yémen abolie en 1962 pour devenir la République Arabe du Yémen.) et le Yémen du sud (ancienne colonie britannique formée autour du port d’Aden qui deviendra après départ des troupes britanniques la République démocratique populaire du Yémen en 1967.)
1- Guerres perpétuelles
- Dès sa réunification, le Yémen soutien l’Irak dans la guerre du Golf lui valant des représailles américaines, attaquant sa monnaie qui sera fortement dévaluée, suivi par l’Arabie saoudite qui expulsera 1 million de travailleurs yéménites de son territoire, privant de cette manière des millions de famille de leurs revenus.
- En 1994, le sud du Yémen tente de faire une nouvelle sécession sans succès mais le conflit fera environ 10 000 morts.
- Début des années 2000, les rebelles armés houthis s’insurgent et les affrontements avec l’état fait des centaines de morts.
- Depuis 2004, le Yémen est aussi confronté à la rébellion armée des chiites zaidite dans le nord-ouest du pays, qui rejettent le régime du Président Ali Abdallah Salih au pouvoir depuis 1990.
- La guerre civile continue en 2009 à décimer et appauvrir la population malgré l’intervention militaire de l’Arabie saoudite pour enrayer la rébellion.
2- Révolte yéménite de 2011
S’inspirant du printemps tunisien et égyptien , début 2011 un mouvement de contestations de grande ampleur prend naissance dans la capitale yéménite Sanaa et dans plusieurs grandes villes. Les manifestants réclament la démocratie, de meilleurs conditions de vie et le départ du président Ali Abdallah Saleh au pouvoir depuis la création du Yémen . Les contestations dégénèrent en révolte suite a l’insurrection des combattants tribaux, en l’occurrence les Houthis.
Qui sont les Houthis?
Les Houthis sont les membres d’une organisation armée dirigée par Hussein Badreddine al-Houthi , d’où son nom. Cette organisation est anti-américaine, antisémite et anti sioniste prônant le zaïdisme qui est un grand courant religieux chiite. Les Houthis sont soutenus par l’Iran dans le cadre de cette guerre civile.
En 2012, Abdrabbo Mansour Hadi, militaire de profession, de confession sunnite, vice-président de 1994 à 2012 , devient le nouveau président yéménite. Néanmoins il n’arrive pas a enrayer la rébellion houthis et sera obligé de démissionner en 2015 et fuir le pays pour se réfugier en Arabie saoudite. Son prédécesseur, Saleh qui en sous marin soutenait les Houthis sera assassiné par ces dernier lors de la bataille de Sanaa contre les houthis, le 4 décembre 2017 pour avoir intégré Le camps des saoudiens.
Depuis la démission du président Hadi , 3 hommes se sont succédés au pouvoir, dont la fonction n’a pas été reconnu pas reconnue par la communauté internationale :
- Mohammed Ali al-Houthi de février 2015 à août 2016.
Il succède à Hadi suite à sa démission , mais il ne sera pas reconnu chef d’état internationalement ni nationalement, il ne gouvernera que les territoires qui sont sous le contrôle des houthis dirigée par son cousin Abdul Malik al-Houthi. Pendant son mandat, Hadi décide de revenir sur sa démission est reste donc le seul président yéménite reconnu par la communauté internationale.
- Saleh Ali al-Sammad gouvernera les territoires houthis de août 2016 au 19 avril 2018, jour de sa mort suite a une attaque aérienne lors de l’opération « restaurer l’espoir » mené par l’Arabie saoudite, qui est toujours en cours a ce jour.
- Mehdi Hussein al-Machat prendra ses fonctions en avril 2018 et actuellement toujours en fonction dans les territoires houthis.
Situation actuelle du Yémen et les différents protagonistes .
1- Opération « tempête décisive »
Cette opération de 26 jours (26 mars-21 avril 2015) opposera le comité révolutionnaire houthis soutenu par l’Iran à la coalition internationale ( Émirats arabes unis, Qatar, Bahreïn, Maroc, Jordanie, Égypte, Koweït, Soudan, États-Unis, Turquie, Sénégal, Mauritanie, Somali, Djibouti )menée par l’Arabie saoudite dans le cadre de la guerre civile yéménite pour restituer le pouvoir du président Hadi, renversé par l’insurrection houthis. Lors de cette opération 1200 frappes aériennes seront menés dans le but de détruire la logistique, les bases militaires ainsi que les bases de défenses aériennes des houthis.
Afin de pouvoir venir en aide à la population yéménite souffrant de cette guerre civile, à la fin de l’opération « tempête décisive », l’Arabie saoudite octroie 274 millions de dollars à l’Onu pour financer les aides humanitaires à destinations de ce pays.
2- Opération « restaurer l’espoir »
Cette opération succédant à l’opération « tempête décisive », est toujours d’actualité. D’après la coalition internationale, elle ne se bat plus simplement contre la tribu houthis, le Yémen devenu un nid de terroristes, elle doit faire front aux groupes terroristes comme Al Qaida ou l’EI. Le but de cette opération est d’empêcher l’hégémonie Houthiste, enrayer le terrorisme, protéger la population.
3- Enlisement du conflit
Nombreux sont ceux qui pensent que l’Arabie saoudite et l’Iran se mènent une guerre de pouvoir sans merci pour imposer et conforter leur puissance au Moyen-Orient aux détriments d’un peuple plongé dans la misère, la famine et la détresse.
La paix reviendrait-elle si ces 2 pays retiraient leurs soutiens et armées du Yémen ? Il n’y a rien de moins sûr aux vues de la composition hétéroclite tribale de ce pays. La notion de Nation n’étant pas dans leurs mœurs, il est difficile d’enrayer les conflits tribaux. La réunification du Yémen du nord et du Yémen du sud en 1990 aurait-elle été une mauvaise décision au regard de la volonté des dirigeants du mouvement sudiste qui souhaitent depuis très longtemps l’indépendance de leurs régions? La complexité de cette guerre doit être l’un des facteurs pour lequel l’opinion publique internationale et les médias occidentaux l’ignorent.
4- Qu’elle est la cause du manque d’implication des puissances occidentales ?
Malgré l’enlisement de la guerre, de l’intervention belliqueuse de l’Arabie saoudite, et de la famine frappant le peuple yéménite, l’occident reste muet dans ce conflit destructeur tuant des milliers d’innocents. Les contrats d’armements passés avec l’Arabie saoudite et les autres pays du Golf empêchent sûrement les États-Unis, la France, la Grande Bretagne et l’Allemagne de faire pression pour stopper cette guerre meurtrière décimant les civils innocents.
« La pire crise humanitaire dans le monde »
Moins médiatisé que le conflit palestinien ou syrien, le Yémen subit depuis des années, la pire crise humanitaire du monde, selon les termes d’Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU.
D’après un rapport de l’UNICEF :
– Plus de 5000 enfants ont été tués ou blessés depuis mars 2015.
– Plus de 11 millions d’enfants ont besoin d’une aide humanitaire.
– Plus de la moitié des enfants n’ont pas accès à l’eau potable.
– Environ 1,8 millions d’enfants souffrent de malnutrition aiguë.
– Le cholera et les diarrhées aigües touchent environ un million de personnes.
– Fin septembre 2017, on dénombrait 256 écoles totalement détruites, 150 écoles occupées par les populations déplacées et 23 par des groupes armées.
L’UNICEF aura besoin de 255 millions d’euros pour continuer à répondre aux besoins urgents des enfants.
Franck Mermier, directeur de recherches au CNRS et spécialiste du Yémen tire la sonnette d’alarme ;
« le Yémen s’achemine vers la pire famine connue dans le monde depuis 100 ans .»
Selon ses analyses, cette crise humanitaire est la conséquence de la prolongation de la guerre et du blocus aérien et maritime exercé par l’Arabie saoudite et les Emirats. Toujours d’après ses constatations, il n’y a pas de solution à cette crise dans l’immédiat ;
« la crise humanitaire est aussi la conséquence du choix des parties en conflit de l’option militaire, le conflit de légitimité entre le président Hadi et les houthistes étant pour l’instant insoluble si les parrains régionaux n’imposent pas une redistribution des cartes en faisant sauter le verrou de cette question de légitimité puisque ces deux acteurs ont perdu leur prétention à la représenter seuls. »
ATD