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Accord d’Idlib ou la concurrence des grands

Quelques jours avant l’ouverture du débat général de l’Assemblée générale des Nations Unies auquel participeront des dizaines de chefs d’Etat et de gouvernement, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a plaidé une nouvelle fois jeudi pour le retour à la paix en Syrie.

Lors d’une conférence de presse au siège des Nations Unies à New York, il a salué l’accord conclu il y a trois jours entre le Président Erdogan de la Turquie et le Président Poutine de la Russie pour créer une zone tampon démilitarisée dans la région d’Idlib, en Syrie. « S’il est correctement mis en oeuvre, il pourrait sauver d’une catastrophe 3 millions de civils – dont 1 million d’enfants », a dit M. Guterres, qui a appelé toutes les parties à mettre en oeuvre cet accord.

Analyse :

La Russie a toujours soutenu le régime de Bachar el-Assad. En Avril 2018, la Russie a mis son veto au Conseil de sécurité à un projet de résolution américain prévoyant de créer un mécanisme d’enquête sur le recours aux armes chimiques en Syrie après les attaques à Douma. Depuis la création de l’ONU 12 vetos russes ont contesté les résolutions coercitives vis à vis du régime de Bachar el-Assad. Mais pourquoi Poutine soutient-il Bachar el-Assad ?

La Russie n’a pas d’accès à la Méditerranée. C’est pourquoi, en 1971, un accord entre la Syrie et l’URSS a permis aux Russes d’installer une base navale à Tartous. Tartous permet notamment aux navires de guerre russe de rejoindre leurs bases de la mer Noire sans passer par les Détroits turcs. Une alliance syro-russe est donc importante pour la Russie du point de vue géopolitique.

Selon Amnesty International, la Russie vend environ 10% de ses armes à la Syrie. Rappelons que la Russie est le deuxième plus gros exportateur d’armes au monde, après les États-Unis. Du côté syrien, c’est 48% des armes achetées qui viennent de Russie, selon un rapport du Stockholm International Peace Institute. En 2007, les deux pays avaient en effet signé un accord sur l’achat d’armements, notamment de missiles. Les rebelles pourraient mettre fin à cet accord s’ils accédaient au pouvoir. Poutine a donc intérêt à soutenir Bachar al-Assad à cause du commerce des armes.

Les États-Unis ont donc tout intérêt à faire tomber Bachar al-Assad: ce serait une manière de concurrencer la Russie, en l’atteignant du point de vue du marché du pétrole puisque Lukoil, le plus gros producteur russe de pétrole, réalise de nombreux investissements en Syrie. Selon le journaliste Nafeez Ahmed ( politologue britannique d’origine bangladaise, également rédacteur au journal The Guardian), « fin 2011, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et Israël apportaient une aide secrète aux factions rebelles en Syrie dans le but de provoquer l’« effondrement » du régime d’Assad « de l’intérieur ».

La Turquie est également devenue un agent incontournable de la guerre en Syrie. On peut penser à prime abord que la Turquie est au service finalement comme les autres pays, que de ses propres intérêts mais n’oublions pas que la Turquie est le premier pays à accueillir toujours davantage les réfugiés syriens. La question turque en Syrie est bien plus compliquée à aborder car certains ne voient en cela qu’une occasion pour le gouvernement turc d’attaquer les rebelles kurdes, qu’ils ne nomment même pas PKK (organisation terroristes reconnues comme telle par de nombreux états européens).

Pourtant, il ne faut pas oublier que la Turquie n’avait donc pas tellement le choix que de s’investir dans ce conflit, plus qu’elle est une frontière directe avec la Syrie. Les zones frontalières de la Turquie avec la Syrie ont été ces dernières années des zones sensibles où ont eu lieu des attentats et des crimes organisés directement par le YPG (branche du PKK syrien). L’opération rameau d’olivier du 20 janvier 2018 avait ainsi que pour but de sécuriser la frontière en démilitarisant la région d’Afrin.

KELES Dudu
Coordinatrice des relations Internationales pour COJEP INTERNATIONAL à l’ONU.

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