La coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite et soutenue par les États-Unis a conclu des accords avec les combattants d’Al-Qaïda, ceci en les payant pour quitter les villes et villages qu’ils détenaient au Yémen. Selon une enquête de l’Associated Press (AP) des centaines d’autres ont été recrutés pour rejoindre la coalition elle-même.
Au cours des deux dernières années, la coalition a affirmé avoir remporté plusieurs victoires décisives en chassant les terroristes d’Al-Qaïda de leurs fiefs et en brisant leur capacité à attaquer l’Occident. Ce que les vainqueurs ne déclarent pas c’est que beaucoup de ces conquêtes ont eu lieu sans aucun coup de feu.
Les compromis et les alliances ont permis aux terroristes d’Al-Qaïda de remettre à plus tard leur combat contre l’Occident. Cette alliance va permettre de renforcer l’un des groupes terroristes les plus dangereux qui ont mené les attaques du 11 septembre.
Les principaux participants aux pactes ont déclarés que les États-Unis étaient au courant des arrangements et ont pour ce faire stoppé toute frappe de drone pendant le retrait les combattants d’Al-Qaida du champ de bataille.
Les conclusions de l’AP sont basées sur des reportages au Yémen ainsi que des entretiens avec une vingtaine de responsables, dont des agents de sécurité yéménites, des commandants de milices, des médiateurs tribaux et quatre membres d’Al-Qaïda. Toutes ces sources, à quelques rares exceptions près, ont requis l’anonymat, craignant des représailles. Des factions émiraties, comme la plupart des groupes armés au Yémen, ont été accusées d’enlèvement ou de meurtre de leurs détracteurs.
Les accords dévoilés par l’AP reflètent les intérêts contradictoires des deux guerres menées simultanément dans ce coin sud-ouest de la péninsule Arabique.
Dans cette guerre, les États-Unis travaillent avec leurs alliés arabes, en particulier les Émirats arabes unis (EAU), dans le but « d’éliminer » les terroristes d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQAP). Mais la vrai guerre n’est pas contre l’AQAP mais contre les Houthis, rebelles chiites soutenus par l’Iran. Dans cette guerre, Al-Qaïda a les mêmes objectifs que la coalition et par extension, les États-Unis.
Les États-Unis ont envoyé à la coalition des milliards de dollars en armes pour combattre les Houthis, et les avions américains fournissent le ravitaillement en vol des avions de guerre de la coalition. Cependant, les États-Unis ne financent pas la coalition, et rien ne prouve que de l’argent américain soit allé aux militants de l’AQAP.
Michael Horton, membre de la Jamestown Foundation déclare ;
« Des éléments de l’armée américaine sont clairement conscients qu’une grande partie de ce que font les États-Unis au Yémen aide AQAP et que cela suscite beaucoup d’anxiété. »
Horton ajoute que soutenir les alliés contre ;
« Ce que les États-Unis considèrent comme l’expansionnisme iranien est prioritaire par rapport à la lutte contre l’AQAP ou même la stabilisation du Yémen. »
L’AP a constaté que les commandants de milices financés par la coalition recrutaient activement des militants et ex-militants d’Al-Qaïda considérés comme des combattants exceptionnels.
Photo ci-dessus : Adnan Rouzek, au centre, un chef de milice salafiste soutenu par le président du Yémen, se tient avec des combattants à Taiz, au Yémen, cette photo date du 6 février 2018. Rouzek a été nommé commandant en chef avec un grade de colonel par le président.
Abdel-Sattar al-shamiri, ancien conseiller du gouverneur de la province de Taïz, a déclaré qu’il reconnaissait la présence d’Al-Qaïda depuis le début et demandé aux commandants de ne pas recruter leurs membres.
Al-Shamiri déclare ;
« Leur réponse a été: » Nous nous unirons avec le diable face aux Houthis. » »
Le commandant de milice à Taïz, connu sous le nom d’Aboul Abbas, a été placé sur la liste du terrorisme américain pour ses liens avec Al-Qaïda l’année dernière. Mais celui-ci continue de recevoir de l’argent des émirats arabes unis pour sa milice, a déclaré son assistant Adel Al-ezzi à l’AP. Al-Ezzi a rejeté l’accusation américaine, niant les liens de terrorisme.
Peu après l’interview, l’AP a vu Adel al-Ezzi rencontrer un commandant de l’AQAP assez connu.
Un autre commandant de Taïz, Adnan Rouzek, qui a récemment reçu 12 millions de dollars du président du Yémen pour sa force de combat à son plus proche collaborateur qui est une personnalité connue d’Al-Qaida.
Les États-Unis sont au courant de la présence d’Al-Qaida parmi les anti-Houthis, a déclaré un haut responsable américain au Caire au début de l’année. Parce que les membres de la coalition soutiennent les milices avec des commandants islamistes intransigeants, « il est très, très facile pour Al-Qaïda de s’introduire dans le groupe », déclare le responsable sous couvert de l’anonymat.
Le Pentagone a nié toute complicité avec Al-Qaida
Sean Robertson déclare dans un courriel ;
« Depuis le début de 2017, nous avons mené plus de 140 opérations pour éliminer les principaux dirigeants de l’AQAP et perturber sa capacité à utiliser des espaces non gouvernés pour recruter, former et planifier des opérations contre les États-Unis et nos partenaires dans la région. »
Il écrit ;
« Nos partenaires régionaux ont fait leurs preuves en poursuivant de manière agressive des organisations terroristes et en leur refusant un refuge sûr au Yémen et le département de la Défense des États-Unis (DOD) n’a aucune raison de douter de leur détermination. »
La coalition dirigée par l’Arabie saoudite a commenté en disant qu’elle « poursuivait son engagement à lutter contre l’extrémisme et le terrorisme ».
Les Émirats arabes unis n’ont pas répondu aux demandes répétées de commentaires.
Au début de 2016, Al-Qaida a quitté Mukalla, une ville portuaire du sud, et sept zones de la province voisine d’Abyan, selon des accords conclus avec les Émirats arabes unis, selon cinq responsables militaires et de sécurité et quatre médiateurs tribaux impliqués dans l’arrangement d’Abyan.
Cet accord comprenait une disposition selon lesquels 10 000 membres des tribus locales, dont 250 terroristes d’Al-Qaïda seraient incorporés dans la « Security Belt », la force yéménite soutenue par les EAU dans la région, selon un négociateur d’Al-Qaïda et deux commandants de la Security Belt.
Un accord pour le retrait en février de la ville d’Al-Saïd, dans la province de Shabwa, est allé encore plus loin, selon l’AP. La coalition a promis des paiements aux membres d’Al-Qaida qui qui se sont retirés, selon le chef de la sécurité de Shabwa, Awad al-Dahboul, un médiateur et deux responsables gouvernementaux. Ce qui entre directement dans le cadre d’un financement de groupe terroriste.
Al-Dahboul a indiqué qu’environ 200 membres d’Al-Qaida avaient reçu des paiements. Il ne connaissait pas les montants exacts, mais a déclaré que 100 000 rials saoudiens (26 000 dollars) avaient été remis à un chef d’Al-Qaïda en présence de commandants émiratis.
Des milliers de combattants tribaux, y compris des membres de l’AQAP, devaient également être intégrés dans la milice Shabwa Elite, financée par les EAU, indique le médiateur et deux responsables.
Al-Shamiri, l’ancien responsable de Taiz déclare ;
« Nous allons nous débarrasser des Houthis (qui ne sont pas classés comme des terroristes) et nous serons frappés par des groupes terroristes . »
Tufekci Fatih
Sources: Associated Press , DS, MillitaryTimes