Il semblerait que l’opération « Rameau d’Olivier » turco-syrienne ait atteint ses objectifs militaires: le contrôle de la région d’Afrin par le Parti de l’Union Démocratique (PYD), l’aile syrienne du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), est arrivé sa fin.
Il semble que les Unités de protection du peuple (YPG), la branche armée du PYD, ont peu résisté aux forces turques et à leurs alliés syriens. Dès que les troupes turques et l’Armée syrienne libre (ASL) se sont approchées de la périphérie d’Afrin, les troupes du PYD se sont dissous parmi la population civile et ont fui la ville.
L’affirmation selon laquelle les YPG se sont retirés par souci de la vie des civils ne correspond pas au comportement du PYD, ni à Afrin ni dans d’autres parties du nord de la Syrie et du sud-est de la Turquie. Le groupe a imposé sa volonté dans les régions à majorité kurde de la Turquie et de la Syrie en usant de la force et en répandant le sang des Kurdes, avant de verser le sang des Turcs et des Arabes.
Un règlement final
En Turquie, le PKK n’a jamais hésité à tuer des Kurdes et à assassiner des enseignants kurdes, des boulangers, des chefs de village et des directeurs de stations-service qui ne se soumettaient pas aux ordres du groupe.
En Syrie, le PYD a assassiné, emprisonné ou banni, ces dernières années, des dirigeants et des militants affiliés au Conseil national kurde. Lorsque les circonstances lui ont permis de prendre le contrôle des villages et des villes où les Kurdes, les Turkmènes et les Arabes avaient coexisté pendant de nombreuses années, le PYD ne s’est pas abstenu d’expulser les Arabes et les Turkmènes.
Les habitants de Tal Rifat, qui ont manifesté le mois dernier pour exhorter la Turquie et l’ASL à libérer leur région du PYD, ont été chassés de leurs maisons après que le groupe en ait pris le contrôle débute 2016 avec l’aide de Damas.
Les civils ne signifient rien pour ce groupe terroriste. Les défenses complexes construites à Afrin indiquent une planification préalable des combats à l’intérieur de la ville, mais l’effondrement rapide des unités du PYD dans la campagne a semé la panique, illustrant l’incapacité des leaders PYD / PKK dans les montagnes Qandil à évaluer avec précision la situation réelle.
Une telle erreur de calcul n’est pas nouvelle. Il y a cinq ans, le 21 mars 2013, des milliers de Kurdes se sont rassemblés sur la place principale de Diyarbakir pour célébrer Nowruz et écouter un message d’Abdullah Öcalan, le dirigeant emprisonné du PKK. Le message d’öcalan soutenait explicitement un projet, défendu par le Premier ministre de l’époque, Recep Tayyip Erdogan, pour parvenir à un règlement définitif du problème kurde en Turquie.
Les communications entre le gouvernement turc et le PKK qui se poursuivait depuis 2010, ouvrant la voient au lancement d’un processus de paix pour aboutir à un cessez-le-feu de deux ans dans ce conflit sanglant et coûteux.
Le gouvernement a adopté une série de mesures visant à respecter les droits légitimes des Kurdes et a facilité les communications entre les dirigeants d’Öcalan et le PKK. Un effort sans précédent pour développer le sud-est de la Turquie a été parrainé par des organismes d’État et de grandes entreprises du secteur privé.
Un dialogue national a été lancé, dans lequel les politiciens, les universitaires et les leaders d’opinion se sont préparés à des amendements législatifs pour mettre fin au conflit et transformer la république turque.
Tromperie méthodologique
En octobre 2014, le PKK a pris par surprise le parti Justice et Développement en lançant une série de manifestations et d’attaques sanglantes dans le sud-est du pays pour protester contre le siège imposé par l’État islamique (EI) dans la ville syrienne de Kobané. En juillet 2015, le PKK a déclaré la fin du processus de paix.
Dans les mois qui ont suivi, les agences de sécurité turques ont découvert que le PKK s’était livré à une politique de tromperie méthodologique tout au long des deux années de trêve. Au lieu de retirer les armes et éléments militaires du pays, comme le stipulait l’accord avec le gouvernement turc, le PKK reconstruisait en fait ses cellules armées et accumulait des armes et des explosifs.
Entre septembre 2015 et mars 2016, le PKK a mené une véritable guerre contre l’Etat turc dans les villes à majorité kurde, en particulier Nusaybin, Cizre et le vieux quartier de Diyarbakir dans ce qui a été baptisé «le soulèvement des tranchées et des barricades».
Malgré la déception à Afrin, le PKK semble toujours convaincu que ses alliés américains fourniront une protection à Manbij, Tal Rifat, Raqqa et Kobané.
Le climat de paix a déclenché deux changements majeurs dans les régions à majorité kurde ; un état de prospérité économique accélérée et l’émergence de leaders du Parti démocratique populaire (HDP), l’aile politique du PKK.
Ces changements n’étaient pas de bon augure pour les dirigeants du PKK, qui craignaient qu’une résolution du problème kurde ne conduise à la perte de leur base de soutien dans le sud-est de la Turquie. La paix faisait peur au PKK mais heureusement « l’Oncle Sam » est arrivé au secourt des terroristes. Il y a eu un développement dans le nord de la Syrie et depuis le début de la bataille de Kobané, les États-Unis ont apporté un soutien substantiel au PYD.
Au moment de la libération en janvier 2015, les États-Unis ont choisi soutenir le PYD et d’utiliser le YPG comme leur propre milice, un substitut aux soldats américains, que ce soit dans la bataille contre Daesch ou pour renforcer l’influence américaine en Syrie orientale.
La question kurde
Les dirigeants du PKK des monts Qandil ont mal interprété les résultats des élections turques de juin 2015, qui ont vu le Parti Justice et Développement perdre sa majorité absolue pour la première fois depuis 2002. Le PKK a conclu que le résultat avait affaibli le Premier ministre Ahmet Davutoglu et l’a rendu plus enclin à la pression.
Dans les mois qui ont suivi, il est devenu de plus en plus clair que les dirigeants du PKK avaient mal calculé. Davutoglu prit une décision rapide pour intensifier les attaques contre le PKK. La popularité du HDP a considérablement diminué, et le parti Justice et Développement a retrouvé sa majorité aux élections de novembre.
Cependant, la direction du PKK n’a pas appris la leçon, croyant toujours que l’alliance entre ses branches syriennes et les États-Unis lui permettrait de se remettre de ses pertes turques. Les dirigeants PKK croient avoir la même protection inflexible que les États-Unis octroient à Israël. Cette idée, cette intoxication mentale a été augmentée par le succès du PYD dans sa prise de contrôle de Manbij, Tal Rifat et Raqqa.
Il est peu probable que les dirigeants du PKK se remettent rapidement de cette intoxication. Malgré la déception d’Afrin, ils semblent toujours convaincus que leurs alliés américains assureront une protection dans leurs bastions syriens.
Il y a sans aucun doute une question kurde au Moyen-Orient, tout comme il y a des questions palestiniennes, Syriennes et irakiennes. Un siècle après son émergence, les peuples du Moyen-Orient luttent toujours contre l’héritage de l’ordre de l’après-guerre. Pourtant, ce qui est certain, c’est que le PKK n’est pas qualifié pour diriger un jour le navire kurde.
FTU