Dans une lettre envoyée aux juges d’instruction par l’ancien ambassadeur de France à Damas, Éric Chevalier, le Quai d’Orsay (le ministère des affaires étrangères) reconnaît une réunion a bien eu lieu à l’été 2012 avec les dirigeants de Lafarge.
Les diplomates amnésiques affirmaient face aux enquêteurs que le ministère des affaires étrangères n’avait pas rencontré les dirigeants de Lafarge entre le mois de septembre 2011 et septembre 2014 pour évoquer la situation du groupe en Syrie. Cet intervalle de temps faisait l’objet investigations de la part de la justice française concernant l’activité de Lafarge et cimenterie de Jalabiya au nord-est du pays, après des révélations du journal Le Monde qui révélait que Lafarge poursuivait son fonctionnement, malgré la guerre, en finançant plusieurs groupes armés, dont Daesh. Ce financement a été confirmé depuis par les recherches des magistrats.
Début décembre 2017, les deux directeurs successifs de la filiale syrienne ; Bruno Pescheux et Frédéric Jolibois, ainsi que Bruno Lafont, ancien PDG du groupe, Christian Herrault, ex-directeur général adjoint, Éric Olsen, ancien DRH, et Jean-Claude Veillard, ancien directeur sûreté du groupe, ont été mis en examen pour «financement d’entreprise terroriste» et «mise en danger de la vie d’autrui».
Christian Herrault, avait déclaré aux enquêteurs que la diplomatie française les avait « incités » à rester en Syrie: «Le Quai d’Orsay dit qu’il faut tenir, que ça va se régler». Christian Herrault faisait état d’une discussion à l’été 2012 en présence «d’une jeune femme du bureau du Moyen-Orient» du ministère des Affaires étrangères.
Éric Chevallier, déclare avoir retrouvé cette jeune fille qui en poste à l’ambassade de France en Égypte et que celle-ci lui aurait déclaré ;
«que personne au ministère ne lui avait jusqu’à ce jour posé la question, mais qu’effectivement elle avait le souvenir de cette réunion».
Il attribuait des propos à l’ambassadeur de l’époque :
«Vous devriez rester, les troubles ne vont pas durer».
La diplomatie française déclarait alors qu’elle n’avait pas connaissance des agissements de Lafarge pour qu’en cas de procès, seuls les dirigeants de l’entreprise soient inculpés. Éric Chevallier campait sur sa position, «Il ne résulte absolument aucune trace de ces réunions». Ces allégations diplomatiques sont contredites par l’ancien directeur adjoint de la multinationale, Christian Herrault, qui affirme que plusieurs réunions avaient été organisées.
Dans une lettre envoyée aux juges d’instruction par l’ancien ambassadeur de France à Damas, Éric Chevalier, au ministère des affaires étrangères déclare dans un courrier daté du 15 janvier 2018 ;
« Oui, une réunion a bien eu lieu à l’été 2012 avec les dirigeants de Lafarge »
«Je pensais que les responsables de Lafarge qui évoquaient l’existence d’entretiens se trompaient d’autant plus que les propos qui m’étaient attribués ne correspondaient en rien à ce que j’aurais pu dire»
Il est clair aujourd’hui, qu’Éric Chevalier avait menti lors de la confrontation judiciaire organisée entre Christian Herrault et lui-même. Il déclarait alors ne pas se «souvenir de ces rencontres» et que «le ministère a mené un travail de recherche dans ses archives et qu’il ne trouvait pas trace de ces rencontres».
Face à ces nouvelles révélations le ministère des affaires étrangères a indiqué qu’elle ne souhaite «pas commenter».
FTU
Source: libération