Le 20 janvier, la Turquie a lancé une offensive aérienne et terrestre, appelée «rameau d’olivier», contre l’enclave d’Afrin, contrôlée par Yekîneyên Parastina Gel (YPG), dans le nord de la Syrie. Alors que l’offensive progresse rapidement, il devint évident qu’une opération aussi ambitieuse n’aurait pas été possible sans l’approbation explicite de la Russie.
Tout d’abord, l’opération exigeait que l’armée de l’air turque pénètre dans l’espace aérien de la Syrie, chose qu’Ankara n’aurait pas pu faire sans consulter la Russie. En outre, avant de transférer les forces de l’Armée Syrienne libre (ASL) soutenu par la Turquie à Afrin, Ankara avait besoin de garanties de la part de la Russie que Bachar al Assad ne profiterait pas de la situation et tenterait de s’emparer des positions turques dans la province d’Idlib.
Le YPG soutenue par les États-Unis en Syrie, savait également qu’il serait impossible à la Turquie de lancer l’opération » rameau d’olivier » sans une coordination avec Moscou. En conséquence, les représentants du YPG ont demandé l’aide de la Russie qui leur a exprimé une fin de non-recevoir.
Le général Sipan Hémo, commandant du YPG, a déclaré que la Russie avait « trahi les Kurdes ». Il a ajouté qu ‘
« Un jour arrivera où la Russie présenterai ses excuses aux Kurdes pour ce manque de principes ».
Les graines de l’opération «rameau d’olivier» ont été plantées l’été dernier, lors des pourparlers entre le ministre russe de la Défense Sergei Shoigu et le chef d’état-major turc Hulusi Akar à Istanbul. À la suite de ces pourparlers, Moscou a donné son consentement à l’utilisation partielle de l’espace aérien syrien par les forces aériennes turques, ouvrant la voie à l’offensive de la Turquie sur Afrin.
Ankara a commencé à renforcer sa présence militaire près de l’enclave des terroristes il y a plus d’un mois, après avoir conclu un accord avec Moscou sur la délimitation de la zone de désescalade à Idlib.
L’approbation par Moscou de l’opération rameau d’olivier est devenue encore plus claire le jour où les hostilités ont commencé, lorsque le ministère russe de la Défense a annoncé le retrait des troupes russes d’Afrin.
En outre, dans le bref communiqué qu’il a publié au sujet de l’opération le 20 janvier, le ministère russe des affaires étrangères a donné un «feu vert» aux actions de la Turquie.
Fin de la partie russe
La coopération avec les Turcs sur la question d’Afrin est beaucoup plus bénéfique pour la Russie car cela évitera à son allié Bachar Al Assad de se battre sur plusieurs fronts à la fois. Le YPG a bien demandé l’aide du régime syrien pour combattre les Turcs mais Bachar Al Assad a répondu
« rendez au gouvernement les territoires que vous occupez, ou affronté l’armée turque »
La relation de la Russie avec le YPG n’a jamais été fondée sur une coopération stratégique à long terme. Au contraire, tout au long de son histoire, Moscou n’a utilisé la carte du YPG que lorsqu’il a fallu trouver un compromis avec les pays du Moyen-Orient, en particulier avec la Turquie.
Et dans le cas d’Afrin, Moscou n’a pas de compte à rendre au YPG car tout au long de la crise syrienne, le groupe s’est allié avec les États – Unis et, de facto, s’est placé du côté opposé du conflit. Le YPG a rejeté l’offre russe de transférer le territoire sous leur contrôle à Afrin au régime syrien, en échange de garanties de sécurité. Washington n’a pas été en mesure d’aider ses alliés YPG, ce qui a donné à Moscou une occasion supplémentaire de démontrer une fois de plus la nature illusoire des garanties de sécurité américaines.
En outre, la coopération avec Ankara est d’une importance primordiale pour Moscou en ce moment. La Turquie est l’un des coorganisateurs du Congrès du peuple syrien, qui s’est tenu les 29 et 30 janvier à Sotchi.
Le forum a une signification politique nationale pour le Kremlin, puisqu’il s’agit non seulement d’une initiative personnelle de Vladimir Poutine, mais coïncide également avec le début de sa campagne électorale. Il veut offrir à son électorat une conclusion victorieuse au conflit militaire en Syrie, et ensuite positionner son gouvernement comme l’acteur clé qui apporterait la paix dans ce pays déchiré par la guerre.
En outre, en coopérant avec Ankara sur Afrin, Moscou a créé une opportunité qui lui permettrait de résoudre la situation à Idlib sans escalade militaire. La Russie savait qu’une confrontation militaire à Idlib aurait coûté cher à Damas et à ses alliés, car elle aurait conduit à une nouvelle catastrophe humanitaire similaire à celle survenue il y a un an à Alep. Sans compter qu’un tel conflit aurait épuisé l’armée syrienne, déjà faible, forçant la Russie à retourner sur le front de guerre syrienne.
L’approbation tacite par la Russie de l’opération rameau d’olivier, au contraire, a conduit à des concessions réciproques d’Ankara à Idlib. Le jour même où la Turquie a lancé son opération, le régime syrien a annoncé qu’il avait saisi sans aucune entrave l’aéroport Abou Duhur contrôlé par l’opposition à Idlib.
Enfin, la Turquie a une autre pièce de monnaie importante contre la Russie: le gazoduc Turkish Stream. Moscou a de grands espoirs sur le projet et ne veut en rien empêcher sa construction.
Le consentement de Moscou à une opération turque à Afrin a coïncidé avec une déclaration du PDG de Gazprom, Aleksei Miller, confirmant un accord longtemps attendu sur la construction d’une deuxième ligne de gaz passant par les eaux territoriales de la Turquie.
Cela rend peu probable qu’Ankara suspende le projet dans un avenir proche, comme ce fut le cas en 2015. Si la construction se poursuit sans encombre, le stream turc pourra être achevé en 2019 comme prévu.
FTU
Sources:al jazeera