L’association belge « Justice and Democracy » s’est dite inquiète de la décision de la Cour de Cassation belge qui conduirait « à l’installation de la neutralité de l’État dans les entreprises privées ».
L’association rappelle, dans un communiqué publié lundi et consulté par Anadolu, que la Cour de cassation de Belgique a cassé, le 20 octobre, un arrêt de la cour du travail d’Anvers (ville de la région néerlandophone), qui avait considéré qu’une entreprise privée, n’avait pas commis de discrimination en licenciant une de ses employées portant le foulard par conviction religieuse.
Selon l’association, la cour s’est basée sur une décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) qui avait arrêté, en mars dernier, qu’une entreprise privée peut invoquer le principe de neutralité pour interdire à ses employés de porter des signes convictionnels mais en imposant des conditions.
Enumérant ces conditions l’associtaion précise que l’interdiction « ne peut viser que les employés qui ont un contact visuel avec les clients », « qu’elle doit s’inscrire dans une politique de neutralité cohérente et systématique et ne peut consister en une simple réponse à une demande spécifique d’un client »;
Elle souligne, en outre qu' »avant de prendre une décision de licenciement, l’employeur doit chercher un poste alternatif, sans contact visuel avec la clientèle, lorsqu’un employé émet le souhait de porter un signe convictionnel ».
« C’est à la lumière de cette jurisprudence que la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour du travail d’Anvers. Ainsi, elle entérine l’argument selon lequel une entreprise privée peut interdire le port de signes convictionnels au motif qu’elle poursuit un objectif de neutralité, une exclusivité pourtant réservée à l’État », se désole l’association.
En revanche, « la Cour de cassation estime dans son arrêt que la cour du travail d’Anvers n’a pas suffisamment examiné si le licenciement de l’employée en question remplit ou non les conditions fixées par la CJUE », relèvent les juristes de l’association.
C’est cette « lecture juridique » consistant à « décrire pour les entreprises privées la voie à suivre pour licencier de manière discriminatoire des employés effectuant correctement leur travail, mais qui seraient coupables d’avoir des convictions philosophiques ou religieuses visibles » que l’association fustige et estime que « les droits fondamentaux en ressortiront incontestablement fragilisés ».
Interrogé à ce propos par Anadolu, le porte-parole de l’Organisation Racism and Islamophobia Watch (ORIW), Celil Yilmaz, a déploré « l’instrumentalisation du principe de neutralité dans les entreprises ».
Pour lui, il est clair « que nous allons de plus en plus vers une société uniforme dont les normes sont définies par un certain nombre d’illuminés ». « Ce principe ne doit s’appliquer qu’aux institutions de l’état sous peine de discriminer toujours les femmes musulmanes » conclut-il.
L’affaire est à présent renvoyée vers une autre cour du travail, celle de la ville de Gand, qui va dans les prochains jours, considérer si la société en question a rempli les conditions de CJUE. Dans ce cas, elle avalisera le licenciement.
Fatih KARAKAYA
Source AA