Certains opposants, à la candidature à l’Union Européenne de la Turquie, avancent comme argument l’occupation du Nord de Chypre pour le justifier. Or, le problème est que ce point de vue est présenté uniquement du côté des opposants aux Turcs.
Dans un entretien accordé à Anadolu, Mustafa Uzun, revient sur la question pour nous éclaircir sur quelques vérités historiques et les mensonges sur l’occupation.
« Le nord de Chypre doit rester turc coûte que coûte tout en devenant une république indépendante et reconnue par la communauté internationale » estime le journaliste turc, Mustafa Uzun, approché par Anadolu.
Chypre est une île scindée en deux dont la partie Nord appartient aux Turcs et le sud aux Grecs. Entre les deux parties, les relations ont rarement été au beau fixe. En 1974, que l’armée turque avait même dû intervenir pour faire « cesser les massacres contre les Turcs» raconte, l’auteur de 12 livres sur les questions liées au monde musulman.
A l’occasion de la sortie de son livre (La première fleur du printemps – Edition Ravza) consacré à la vie de l’ancien premier ministre (1997-1998) turc Necmettin Erbakan, Uzun revient en détail sur le processus qui a poussé l’armée turque à intervenir en juillet 1974.
« Alors que l’ile était sous mandat britannique, la Grèce a démarré le projet Enosis qui consistait à rattacher l’ile à la Grèce dans les années 1960 » raconte Mustafa Uzun, qui a voyagé dans 71 pays pour préparer des dossiers sur la question.
Pour lui, le plus grand problème de l’ile vient de ce rêve des Grecs qui, pour atteindre leur objectif, ont fondé un groupe nommé Organisation Nationale des Combattants Chypriotes (EOKA). Ce groupe a été tout d’abord l’auteur d’attentats contre les intérêts britanniques avant d’être responsable après l’indépendance de 1960, de massacres contre des civils turcs notamment celui du 25 décembre 1963.
« En tant que garante de la paix, la Turquie n’est pas restée insensible à ce massacre et a fait survoler ses chasseurs sur l’ile pour un avertissement. Cela a eu pour conséquence de faire cesser les activités terroristes des grecs jusqu’au Noël sanglant, où 334 civils turcs ont sauvagement été assassinés », explique l’homme qui a aussi reçu le prix du « journaliste de l’année » en 2010.
« Pourtant, depuis mars 1963, les soldats de l’ONU étaient censés assurer la paix » se souvient-il avant de poursuivre « ils n’ont pas pu protéger les civils turcs ».
Il raconte qu’avant cette intervention de 1974, c’est « 25 ans d’attaques et de nettoyage ethnique subis par les turcs ».
En 1967, un coup d’état en Grèce renverse le gouvernement et la junte militaire nouvellement installée ne change pas de politique vis-à-vis de l’ile. « La situation a même empirée et les massacres sont devenus quotidiens » dit-il.
« Aidés par la Grèce, les grecs voulaient se débarrasser de tous les turcs sur l’ile » rapporte le journaliste également récompensé pour son travail en 2011.
Pour ne rien arranger, le 15 juillet 1974, un coup d’état survient sur l’ile. Nicos Sampson, devient président et conduit immédiatement une politique d’acharnement contre les Turcs. D’ailleurs, en août 2011, une analyse Sputniknews confirmait la thèse du journaliste. « Nicos Sampson, se souvenait que sans l’intervention militaire turque, il aurait non seulement proclamé « Enosis » mais aurait aussi exterminé les chypriotes d’origine turque » pouvait-on lire dans cette analyse.
A ce moment-là, en Turquie, le gouvernement de l’Union Nationale dirigé par Bulent Ecevit tente de trouver une solution internationale. Le premier ministre décide de se rendre à Londres pour entamer des discussions.
« Mais le vice-premier ministre Necmettin Erbakan était sûr de l’échec de ces discussions et a ordonné à l’armée de se préparer », confie le journaliste.
Et comme prévu, aucune issue n’a été trouvée pendant ces discussions, la junte militaire grecque refusant les exigences turques. Alors le 20 juillet 1974, à l’aube, l’armée turque intervient sur l’ile pour repousser les grecs avec « l‘opération de paix ». Rapidement 35% du territoire est contrôlé par la Turquie.
Mustafa Uzun raconte que « Necmettin Erbakan, ne voulait pas s’arrêter là. Il voulait prendre tout l’ile mais Bulent Ecevit l’a empêché, avertissant de conséquences internationales graves ».
Or, le spécialiste du monde turc estime que c’était une grave erreur de s’arrêter là. Il rappelle que Chypre fut ottomane pendant 450 ans et de ce fait, « cela restera une terre d’Anatolie » juge le journaliste.
« Historiquement, l’ile n’a jamais été grec et il est impossible de penser l’ile sans la rattacher à l’Anatolie » dit-il.
Pour lui, les tentatives de la réunification de l’ile sont « une mauvaise idée qui ne va pas résoudre les problèmes de tensions entre les deux communautés ».
Au contraire, « il faudra garder la solution de deux états avec une reconnaissance internationale pour la partie nord en tant que pays à part et entière ».
En effet, actuellement, seule la Turquie reconnait la République Turque de Chypre de Nord. Par ailleurs, l’auteur estime que « l’ile n’est qu’une question tactique pour les américains, économique pour les européens, politique pour la Russie, psychologique pour la Grèce. Or, pour la Turquie ce n’est en aucun cas uniquement une « patrie enfant » (nom donné par les Turcs à l’ile) mais bien plus un territoire stratégique et surtout vitale ».
Uzun rappelle que « l’ile est la dernière ligne de défense de la Turquie en Méditerranée » avant de conclure que « l’intervention a été une vraie réussite dans la mesure où la paix a réellement été apportée ».
Sans cette opération, Mustafa Uzun, pense que beaucoup de sang auraient continué à couler.
En 2004, le secrétaire général de l’ONU, proposait le plan Annan qui avait pour but de réunifier l’ile. Ce plan a été soumis à un référendum. Les Chypriotes grecs avaient voté « non » à 75,83 % alors qu’en face, 64,9% des Chypriotes turcs avaient voté « oui ».
Depuis tous les pourparlers sont bloqués et le statuquo continue de régner sur l’ile. «Il est temps de changer de politique pour transformer le nord de Chypre en une vraie république indépendante », conclut l’auteur.
Fatih KARAKAYA
Source : AA