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15 juillet : MedyaTurk était au cœur des commémorations

A quelques centaines de mètres de l’Entrée du Pont des Martyrs du 15 Juillet, une barricade de police se met en place. Mais cette fois-ci c’est pour la « bonne cause ».

Cela fait tout juste un an que la tentative du coup d’état par le groupe terroriste Feto a été repoussée par la détermination des citoyens. Personne ne s’attendait à un tel rébellion contre l’armée.

Le gouvernement et le Président Turc Recep Tayyip Erdogan ont voulu marqué ce premier anniversaire avec des commémorations un peu partout en Turquie.

A Istanbul, le point fort du programme a été évidemment sur le Pont des Martyrs qu’on appelait Pont du Bosphore avant ce 15 juillet 2016.

Tôt le matin, les plus déterminés étaient déjà arrivés pour prendre une place de choix devant la scène.

Une première barricade, à 500 mètres du pont, permet de contenir la foule qui commence à arriver par dizaines.

Nous croisons sur la route, fermée à la circulation pour l’occasion, Vehbi Sahin, un responsable de la Fédération Nationale de Taekwondo. Il explique que toute l’équipe a souhaité être présent à ce premier anniversaire. « Le président de la Fédération, Metin Sahin, nous a encouragé à vivre ce moment avec nos tenus de compétitions. Nous voulions marquer notre différence » fait-il savoir à MedyaTurk. Environ 15 hommes et femmes en kimonos avancent vers le point de contrôle.

Vers 16 heures, lorsque les portes de la première barricade s’ouvrent, des centaines de personnes avancent vers le point central de la cérémonie. On constate une immense diversité des personnes sur place. On y voit des femmes voilées, des jeunes filles en mini jupes. Certains hommes sont barbus tandis que d’autres n’hésitent pas à afficher leur tatouage sur le corps. Chacun a une histoire différente.

Certaines personnes affichent la photo des martyrs. Parfois c’est le fils, parfois le mari. Parfois, c’est le père du meilleur, parfois c’est le grand-père du copain de classe. Chacun montre qui qu’ils soient, ils n’ont pas oublié et les remercient d’avoir laissé un pays libre.

Des écrans géants, des hauts parleurs monstres sont placés tout au long de la route. Ce lieu que d’habitude, les voitures envahissent, un raz-de-marée humain est attendu aujourd’hui.

Des chants au gloire des martyrs et au courage du peuple turc raisonnent sur les rives du Bosphore. Le Pont est tout de même fermé pour des questions de sécurités. Ce pont est ouvert au piéton une fois par an uniquement pour le marathon d’Istanbul.

Des dizaines de journalistes s’installent rapidement à l’emplacement prévu pour eux. Toutes les chaines d’informations ainsi que les chaines nationales sont toutes ne direct. Personne ne veut manquer cette journée historique.

A la nuit tombée, des millions de personnes sont sur l’autoroute qui mène vers le Pont. En se promenant dans la foule, je constate une pancarte sur le quel est écrit : « Je cherche la personne qui a déchiré son t-shirt pour faire un pansement sur ma blessure ».

L’homme, raconte, que son fils a été blessé cette nuit de 15 juillet par les tirs de militaires et qu’un inconnu n’aurait pas hésité à déchirer son t-shirt pour stopper l’hémorragie. « Je veux le retrouver ce brave homme » dit-il d’une voix tremblante.

Et puis, l’écran géant montre l’arrivée du Président Erdogan à pied. Il a d’abord salué les citoyens à l’autre point de rencontre qui était devant sa maison.

Les participants l’applaudissent et crient leur joie lorsqu’il monte sur scène pour saluer la foule.

Sans surprise, Erdogan remercie les martyrs et les rescapés. Il se dit fière « d’appartenir à un peuple aussi courageux ».

Puis, il annonce le monument construit en mémoire des 250 martyrs. Le nom de ces personnes sont cités un par un et la foule répond par « présent » comme pour dire qu’ils ne sont pas morts.

Dans son discours, Erdogan critique aussi l’attitude du leader de l’opposition qui tente de minimiser le rôle des putschistes dans le coup d’état. Chaque fois que le Président envoie un message à l’opposition, la foule hue de plus en plus fort.

Leyla, une mère de famille, explique que le fils de sa voisine est mort ici. « Nous le connaissions, c’était un jeune qui avait la joie de vivre. Il était toujours de bonne humeur. Je n’arrive pas à y croire que Kemal Kilicdaroglu (le leader de l’opposition) puisse insulter sa mémoire » dit-elle, visiblement très remontée.

Erdogan, explique qu’après l’inauguration de ce monument, il doit se rendre à Ankara où un autre groupe l’attend pour le programme devant le palais présidentiel.

Vers 23 heures, la foule commence à se disperser. Certains restent sur place comme convenu pour une nuit de veille quand une autre partie préfèrent rentrer à la maison. Mais la plus part se dirigent vers Kisikli, le quartier de la résidence du Président Erdogan.

Comme eux, je choisi cette option pour observer l’ambiance de la soirée. En 2016, le soir de la tentative du coup d’état, ce quartier avait était un des premiers lieux investis par la foule pour protéger la maison du Président. Il s’agissait d’un lieu hautement symbolique qu’il ne fallait pas laisser aux mains des militaires.

Après une demie de marche, j’arrive enfin au lieu de rassemblement. Ce qui frappe aux yeux en premier lieux, ceux sont les camions de chantiers qui bloquent la rue. En effet, en 2016, les camions des municipalités avaient joué un rôle crucial pour bloquer la sortie des casernes. D’ailleurs, sur Internet, on peut voir des vidéos, qui ont fait des millions de vues, des camions qui pourchassent des tanks dans les rues d’Istanbul. De ce fait, symboliquement les camions étaient en évidence ce soir-là.

Hommage aux martyrs femmes

La maison du Président Erdogan est à côté du siège de l’association KADEM (Femmes et Démocraties). La grande scène est installée devant ce bâtiment historique où une affiche géante arbore la photo des dix femmes martyrs.

Ici aussi, des centaines de milliers de personnes chantent des chants en l’honneur des martyrs et à la gloire de la « la légende du 15 Juillet ».

Puis, je me rends dans le parc un peu plus loin où des veilleurs camperont la nuit pour perpétuer la tradition « des nuits de gardes » initiées dès le lendemain du coup d’état.

« C’est pour ne jamais oublié cette nuit » nous raconte Islam Sensoz, un graphiste de 30 ans.

Il explique que « ce n’est pas une histoire d’un parti ou d’un groupe. Cela concerne toute la nation. Comme l’année dernière des millions de citoyens se retrouvent dans cette lutte contre le groupe terroriste Feto ». «  Les citoyens se tiennent la main pour s’opposer à la confiscation de leurs valeurs par ces crépuscules », conclut-il.

Pour, Mustafa, jeune ingénieur de 29 ans, il est très important de renouveler les gardes de la démocratie chaque année. Il a été séduit une fois de plus par le discours de Président Recep Tayyip Erdogan. « Tout le monde peut-être un peuple mais pour être une nation il faut cette solidarité », insiste-t-il avant de rajouter que « l’avenir de la nation dépend de cette vigilance permanente ».

D’autres mettent l’accent sur la ténacité et la réactivité des citoyens turcs.

« Notre nation n’est pas une nation comme les autres. Juste au moment où tout le monde pense que c’est fini, ce pays renait de ses cendres », souligne, Hasan Huseyin Yilmaz, 30 ans et conseiller en éducation.

Il se dit fière de voir que les appels à la mobilisation séduisent autant. Pour lui, il n’est pas question seulement de la Turquie mais « du rassemblant du monde musulman. Nous avons des valeurs laissées par nos ancêtres, notre souhait est de faire perduré ces valeurs », confie-t-il.

Pour autant, d’autres espèrent que « la Turquie ne revivra plus jamais cela » à l’instar de Talip Enes, un commerçant à Istanbul.

Il se dit surtout qu’il a « une histoire à raconter à ses enfants et espèrent qu’ils seront aussi vigilants que sa génération face aux ennemis ».

La nuit avance, la fatigue emporte avec lui la plupart des veilleurs qui s’endorment sur la pelouse. Un vent de colère et de satisfaction caresse les visages de ces citoyens qui sont fières d’avoir pris une part dans l’Histoire de leur pays. 

Fatih KARAKAYA