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Pour la Turquie, la lutte contre le terrorisme ne saurait se limiter à Daech

« L’Occident tente d’imposer à la Turquie Daech comme unique ennemi. Or, la menace terroriste contre le pays est plus large», estime Romain Caillet, spécialiste français des courants djihadistes et salafistes, interviewé par Anadolu.

Revenant sur la menace terroriste de ces dernières années, Caillet, a rappelé que le combat contre les groupes terroristes est devenu une priorité absolue pour de nombreux pays à travers le monde, y compris pour la Turquie.

Toutefois, «cette lutte n’est pas véritablement efficace car actuellement aucun effort n’est mené par l’Occident pour juguler les réelles causes de la radicalisation, à savoir les crises politiques dans les pays du monde arabe, notamment la marginalisation des populations arabes sunnites en Syrie et en Irak », explique l’expert.

Dans ce contexte, il critique notamment l’attitude du Président américain Donald Trump, qui a préféré « s’appuyer sur des milices chiites fondamentalistes en Irak et sur une branche du PKK en Syrie pour lutter contre Daech».

« Il s’agit d’une faute grave car de toute manière les arabes sunnites feront tout pour rester maîtres chez eux et n’accepteront pas l’occupation des milices chiites irakiennes, ni des Kurdes du PKK », soutient-il.

Dans ce jeu des alliances plus improbables les unes que les autres, la Turquie a longtemps été accusée de soutenir indirectement Daech via le commerce de pétrole et la livraison d’armes, rappelle Caillet.

Des allégations qu’ont toujours réfutées les autorités turques en rappelant que la Turquie a été un des premiers pays a qualifié Daech de groupe terroriste.

Mais ces accusations ont été surtout diffusées par les milieux proches du PKK qui arguaient que la seule obsession de la Turquie était le PKK et qu’elle laisserait agir Daech, ajoute l’expert.

Or, pour cet auteur du blog « jihadologie », « si effectivement Daech représente une menace véritable pour la Turquie, avec des attentats ayant provoqué des centaines de morts, ses partenaires occidentaux ne peuvent pas décemment lui dire qu’il s’agit de son seul ennemi quand on sait que le conflit avec l’organisation terroriste séparatiste PKK, beaucoup plus ancien, a lui provoqué des dizaines de milliers de morts ».

En effet, l’opinion publique turque vie encore le traumatisme de plusieurs années d’attentats.

« Pour le président turc Recep Teyyep Erdogan et la majorité des citoyens turcs qui l’ont élu, la lutte contre le terrorisme ne saurait se limiter à l’EI. A la différence du Kurdistan irakien sous contrôle de forces qui ne sont pas hostiles à Ankara, le Nord de la Syrie est aujourd’hui aux mains, non pas de simples combattants kurdes mais de la branche syrienne du PKK, pourtant sur la liste des organisations terroristes de toutes les démocraties occidentales, et ça, la Turquie ne peut pas l’accepter », analyse le spécialiste.

Dans ce contexte, les médias occidentaux occultent volontiers la partie « PKK groupe reconnu terroriste par les occidentaux » afin de ne présenter que « des combattants kurdes contre Daech ».

Le spécialiste estime que « cette lutte turque contre le PKK ne plaît pas à tout le monde car certains voudraient bien sous-traiter quelques tâches à ce groupe ». Un groupe qui pratique notammentt la purification ethnique, comme le souligne Amnesty International dans un rapport publié sur son site internet au mois de mars 2015.

L’expert rappelle qu’aujourd’hui, la Turquie vit sous la menace permanente de Daech.

Le spécialiste explique les raisons de cette déclaration de guerre par le fait que « Le Président Erdogan n’applique pas la sharia (loi islamique). »

« La Turquie est d’ailleurs un pays laïc, ce qui constitue une apostasie pour l’EI. D’autre part, depuis l’entrée en guerre de la Turquie contre l’EI, son territoire constitue désormais une cible prioritaire, comme cela a d’ailleurs été confirmé dans le premier discours du nouveau porte-parole de l’EI, Aboulhassan al-Mouhajer, en décembre 2016, moins d’un mois avant le terrible attentat de la Reina à Istanbul», qui a coûté la vie à 39 personnes.

Une double menace, donc, pour le pays qui a réitéré, à de nombreuses reprises, son engagement dans la lutte anti-terroriste.

Fatih KARAKAYA