A deux jours des élections en Turquie, les conditions du déroulement de la campagne référendaire destinée à informer et permettre la participation des 4.000.000 de ressortissants turcs vivant en Europe, sont pour le moins problématique sur le plan démocratique, tant la question de l’ingérence de certains pays européens se pose allègrement.
Nous ne sommes pas à Montgomery en Alabama dans les années 60 où la police blanche américaine lançait ses chiens de garde sur les manifestants noirs du Mouvement des Droits Civiques mais à Rotterdam au Pays-Bas le 11 mars 2017 à quelques jours des élections devant décider du sort du fragile gouvernement RUTTE, en proie aux assauts de l’extrême-droite néerlandaise de plus en plus menaçante et annoncée grande gagnante par plusieurs institut de sondage.
Ces images ont profondément choqué les turcs et binationaux européens. Les chiens et les policiers montés réprimant avec une violence inouïe, les centaines de membres de la diaspora turque invités pour une réception au Consulat de Turquie et dont l’accès leur a été interdit par Mark RUTTE, le chef du gouvernement néerlandais.
Cette interdiction visait notamment à arrêter Mme Fatma Betül SAYAN-KAYA, Ministre turque de la Famille et des Affaires sociales alors même qu’elle se trouvait à 30 mètres du Consulat de Turquie à ROTTERDAM. Elle est ensuite reconduite manu-militari à la frontière allemande accompagné des forces spéciales néerlandaises.
Le 10 mars déjà le gouvernement néerlandais avait interdit l’atterrissage de l’avion du Ministre des affaires étrangères, Mevlüt CAVUSOGLU en personne. Par opportunisme vraisemblablement, Mark RUTTE a eu manifestement une volonté forte de marquer médiatiquement le coup. Faisant un geste de plus en direction de l’électorat extrémiste de droite et ce au risque de faire subir l’humiliation à un pays ami et à sa représentante Mme SAYAN-KAYA attirée visiblement dans une sorte de guet-apens. En effet, venue depuis l’Allemagne par voie terrestre, son entrée au Pays-Bas était connue et suivie par le gouvernement hollandais qui a préféré adopter la solution la plus humiliante pour l’arrêter le plus tard possible et seulement à quelques mètres de sa destination. Mais au fait. Où sont les organisations féministes?
Cette fois-ci il n’était pas question d’annuler une réservation de salle, sous prétexte d’insuffisance des capacités d’accueil des parkings ou bien des raisons de sécurité ou encore de fragilité du bâtiment comme évoqué ailleurs par les allemands ou autri-chiens…puisqu’il n’était tout simplement pas question d’une réunion publique mais privé et diplomatique dans un lieu considéré comme étant un territoire turc: le Consulat de Turquie.
Il est impensable qu’un représentant et encore moins une représentante de la France au niveau ministérielle de surcroit puisse faire l’objet d’un traitement pareil par un quelquonque État.
Ainsi sans pour autant être exclusive au Pays-Bas, cette affaire illustre l’extrême susceptibilité et le manque de discernement d’un chef de gouvernement européen pris en étaux entre les milieux xénophobes, racistes et islamophobes dont la posture nouvelle est loin d’être marginale en Europe. N’hésitant pas à afficher fièrement leur racine chrétienne, en opposition farouche à «l’invasion musulmane», une partie importante de l’électorat européen affirme violemment et de manière obsesionnelle leur refus de voir progresser les pourparlers d’intégration dans l’UE d’une Turquie musulmane et définitivement non-européenne qui concentre tous les defauts: une religion non chrétienne, un race et une origine non européenne,
Ces nouvelles tensions diplomatiques provoqués volontairement ou non (involontairement ) avec la Turquie ont eu lieu en pleine campagnes électorales (présidentielle en Autriche et en France, législative au Pays-Bas, Länder en Allemagne) et illustrent encore une fois la surenchère dans laquelle tombe les dirigeants européens de plus en plus à l’écoute d’une opinion publique sensible aux idées d’extrême droite pour qui la Turquie est devenu ces dix dernières années, un bouc émissaire idéal.
Autre exemple, autre pays européen. En Autriche, il y a quelques semaines, l’extrême droite nasillarde est arrivé au point d’emporter la victoire lors des élections présidentielles. Cette montée inquiétante des idées fascisantes nous ramène aussi dans les années 30 d’une Autriche située au cœur de la propagande et de la haine nazi.
En 2017, année électorale par excellence en Europe, les turcs européens sont-ils devenu les nouveaux « Noirs » du vieux continent? La charge violente contre les citoyens turcs, des chiens policiers néerlandais et de la police montée, nous rappelle, hélas, de sombres et lointains souvenirs d’une Amérique blanche, intolérante et foncièrement raciste…et dont les methodes de répression ont fait de nouveaux adeptes en Europe.
Ainsi il semble difficile d’expliquer autrement l’arrestation d’une femme, ministre d’un pays ami (bien que musulman) et néanmoins allié des Pays-Bas. Comment expliquer ces appels du pied inacceptables aux extrémistes si ce n’est par calcul bassement politique? Le danger est que les politiciens européens surfent gaiement sur ce nouveau tsunami d’intolérance et de haine anti-musulman et anti-turque qui déferle sur le continent. Difficile dans ces conditions, de s’empêcher de faire de rapprochement avec la montée de l’antisémitisme et du nazisme dans les années 1930 et la montée de l’islamophobie et de la turcophobie en Europe de nos jours.
Pourtant ce qui est le plus choquant est que l’Autriche, l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas notamment sont si tolérants et accueillants quand il est question d’autoriser les manifestations de rue et réunions publiques avec banderoles « Hayir » (Non) et portrait-monstre d’Ocalan et ce en présence de députés turcs du HDP et du CHP, qui eux mènent librement chez nos voisins une campagne pour le « Non » au référendum en Turquie.
Il est donc légitime de s’interroger sur une réelle ingérence, ainsi que la sincérité et la véracité des raisons invoquées par les autorités chez nos voisins européens pour justifier l’interdiction des réunions ou visites de ministres turcs dans le cadre d’une campagne référendaire pour le « Oui ».
Visiblement il importe peu à ces dirigeants européens, que la constitution, objet de cette proposition de réforme, soit le fruit d’un coup d’état militaire, celui de1982, orchestré par le Général Kenan EVREN. S’ils étaient sincères dans leurs attachement aux valeurs démocratiques, ces mêmes dirigeants européens, ces « Grands » democrates devrais-je dire, auraient du encourager le « Oui » et faire oublier leur silence complice au lendemain de la tentative de coup d’Etat de l’été 2016 qui a fait en Turquie, 272 morts et près de 3000 blessés. Ce silence assourdissant en Europe avait en effet été entendu alors que les démocrates turcs avait renversé, seuls les putschistes. Motus et bouche cousu: aucune déclaration de soutien à la démocratie turque n’étaient venue des « grandes » démocraties européennes… Nous ne sommes plus à une ambiguïté près. N’est-ce pas mon cher Didier Billion?
Il est donc surprenant que le référendum soit proposé par le Président de la République d’un pays que les médias européens osent qualifier, cerise sur le gâteau, de dictature…un référendum organisé par un dictateur, c’est le comble du bonheur!! Est-ce pour légitimer à faible cout, une prochaine initiative européenne d’abandon des pourparlers avec la Turquie portant sur son entrée dans l’UE? Apres l’avoir humilier durant plus de 59 ans, il fallait trouver un bon pretexte: dictature. Pourtant le Président Erdogan doit être le premier et seul « dictateur » au monde à organiser un référendum et ce sans passer de force par un dispositif ad-hoc de type 49.3 et dont notre cher President Hollande et son ancien Premier Ministre Valls ont le secret…Ah sacrés démocrates!
En tout état de cause la liberté de réunion et d’expression est une liberté fondamentale et doit être respecté et assuré, sans ambiguïté, de manière équitable et sans discrimination ethnique, politique ou religieuse sur tout le territoire de l‘Union Européenne. Et aucune ingérence dans les affaires intérieures et encore moins électorales d’un pays candidat n’est acceptable par quelque pays que ce soit.
S’informer et voter font partie des droits fondamentaux de l’Homme, quand bien même celui-ci ne partage pas votre point de vue comme le dit si bien Voltaire. Le devoir de tous est de respecter le droit de chacun. Y compris si celui-ci est la Tête de Turc des dirigeants du vieux continent et qu’il fait de nos jours, l’objet d’un harcèlement sans precedent de l’oligopole médiatique.
Signé: un franco-turc victime au quotidien (travail, logement, écoles…) de la stigmatisation mediatique de la Turquie qui alimente la discrimination religieuse, la peur et la haine du turc…
JCB