Le ministre des affaires étrangères français, Jean-Marc Ayrault, accueille les 75 pays et organisations internationales réunis le 15 janvier à Paris lors de la conférence pour la paix au Proche-Orient.
Ils sont tous côte à côte autour de grandes tables, placés suivant un ordre protocolaire ad hoc où la Bolivie et l’Equateur côtoient les Pays-Bas, décidé en fonction du rang de la représentation : ministre des affaires étrangères, secrétaire d’Etat, ambassadeur.
Quelque 75 pays et organisations internationales sont réunis ce 15 janvier à Paris au centre Convention du ministère des affaires étrangères pour tenter de raviver le processus de paix israélo-palestinien et réaffirmer leur attachement à la solution à deux Etats, à cinq jours de l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, lourde d’incertitudes avec l’engagement du nouveau président américain de transférer l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a finalement fait faux bond, remplacé par l’envoyé spécial des Nations unies pour le Moyen-Orient, Nickolay Mladenov, et le secrétaire d’Etat américain sortant John Kerry devrait seulement faire un bref passage dans l’après-midi. L’affiche n’en est pas moins impressionnante. La haute représentante de l’Union Européenne (UE) pour la diplomatie Federica Mogherini, est là, ainsi qu’une quarantaine d’autres ministres des affaires étrangères ou secrétaires d’Etat : tous les pays du G20, tous les membres du Conseil de sécurité, permanents ou élus, tous les Etats de l’UE, tous les membres de la Ligue Arabe et de l’Organisation de la conférence islamique, ainsi que quelques pays d’Amérique latine.
HOSTILITÉ ISRAÉLIENNE À TOUTE INITIATIVE MULTILATÉRALE
La conférence du 15 janvier compte une quarantaine de pays en plus que le 3 juin lors de la première édition qui, comme aujourd’hui, se tenait sans les deux parties directement concernées, les Israéliens et les Palestiniens. Cette réunion devait initialement être suivie d’un compte rendu aux deux parties par le chef de l’Etat français, François Hollande, dans un dîner à l’Elysée. Elle se tiendra finalement en l’absence du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, qui a qualifié dimanche la conférence de « futile » . Face à l’hostilité israélienne à toute initiative multilatérale, la France a assuré ces derniers jours que la conférence n’avait pas pour vocation d’imposer la paix et réaffirmé que seules des négociations bilatérales permettraient de trouver une issue au conflit.
Il s’agit de rappeler les fondamentaux. « Notre objectif commun, un objectif juste, est celui d’une paix équitable et durable entre les deux pays », a déclaré le ministre français des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, en ouvrant les travaux dans la matinée, reconnaissant toutefois « être conscient des réserves et des doutes sur cette conférence, y compris sur son opportunité à ce moment ». Il n’en réaffirme pas moins « l’urgence d’agir » :
« La solution à deux Etats est tellement menacée qu’il y a nécessité de la préserver, comme l’a affirmé la résolution 2334 [du 23 décembre] des Nations unies, et ce n’est pas le moment de s’arrêter (…). Cette solution à deux Etats est la seule possible, la seule qui permette de repecter les aspirations légitimes et les droits des deux peuples. »
Le chef de la diplomatie française a également appelé les Etats-Unis à « contribuer à créer les conditions de la paix au Proche-Orient » après le changement de président. Interrogé dimanche sur France 3 en marge de la conférence, il a affirmé que la volonté de Donald Trump de transférer l’ambassade américaine à Jérusalem au lieu de Tel-Aviv constituerait une provocation et serait « extrêmement lourde de conséquences ».
REMETTRE À L’AGENDA LE CONFLIT ISRAÉLO-PALESTINIEN
En lançant ce processus à l’hiver dernier, Paris voulait remettre à l’agenda de la communauté internationale un conflit israélo-palestinien passé au second plan dans le chaos général du Proche-Orient. Sur ce point, le succès est incontestable, vu le nombre de participants. Il n’y a en revanche aucun résultat concret à arte nere de cette réunion. On ne va pas y discuter de nouveaux paramètres pour la paix ou entere dans le détail des questions les plus sensibles (les frontières, le statut de Jérusalem, le retour des réfugiés, la sécurité, le partage de l’eau, etc.), qui ne peuvent l’être que par les Israéliens et les Palestiniens.
La conférence du 15 janvier à Paris rappellera les grands principes de toute solution négociée du conflit israélo-palestinien dans son communiqué final. Le texte déjà discuté le 6 janvier est l’objet d’âpres discution depuis samedi, et elles risquent de se prolonger toute la journée. Dans ses grandes lignes, il réaffirme les résolutions internationales existantes, exhorte les deux parties à reprononcer leur engagement en faveur de la solution à deux Etats et à « s’abstenir de toute mesure unilatérale qui préjugerait du résultat des négociations sur le statut final ».
Un certain nombre de pays, dont notamment les membres de la Ligue arabe, pressent néanmoins pour que cette mise en garde ne s’adresse pas seulement aux Israéliens et aux Palestiniens et que figure dans le document final une mention explicite du danger que représenterait le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem. Les Américains freinent. Paris et les Européens jouent les médiateurs. En début de semaine prochaine se tiendra une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, déjà à l’agenda, qui pourrait par une « déclaration », votée à la majorité, endosser et appuyer publiquement les conclusions de la conférence de Paris. C’est la grande crainte des Israéliens. Négocié au consensus, le communiqué final, avec son poids symbolique puisqu’il sera soutenu par 75 pays, est devenu un véritable enjeu.
Par Marc Semo, le monde