Au mois de juin 2021, une commission du Sénat français se fondant sur des exemples de guerre, notamment celle de septembre 2020 au Haut-Karabagh, publiait un rapport soulignant « le rôle au premier plan que les drones joueront demain sur le champ de bataille et s’interrogeait sur la prise en compte de cette évolution » par les forces françaises.
Ainsi, le rapport se demandait si les armées françaises étaient « suffisamment dotées en drones et disposaient-elles de moyens suffisants pour faire face à la menace qu’ils représentent ».
Après ce rapport, c’était autour de l’Assemblée nationale de se pencher sur la question.
« Le rapport d’information en conclusion des travaux d’une mission d’information sur la guerre des drones » de la Commission de la défense nationale et des forces armées publié le 7 juillet 2021 estime que « la guerre des drones est déjà une réalité ».
En effet, les rapporteurs Stéphane Baudu et Jean Lassalle notent que « leur emploi croissant s’accompagne d’une double rupture, opérationnelle et stratégique, largement manquée par la France et l’Europe, du moins s’agissant des drones de type MALE (de moyenne altitude et de longue endurance) ».
Tout d’abord, le rapport observe « une rupture opérationnelle car les drones permettent d’éloigner les combattants des zones de danger immédiat, offrent une permanence avec laquelle ne peuvent rivaliser des pilotes embarqués, et ouvrent de nouveaux moyens d’action tactique ».
Ensuite, toujours selon ce rapport, « une rupture stratégique » s’impose également puisque « l’essor des drones rebat les cartes des équilibres stratégiques en place ».
Précisant que ces drones deviennent « accessibles d’un point de vue financier et technologique, les drones sont vus par nombre de pays comme une possibilité de mettre en adéquation leurs moyens et leurs ambitions ».
Les drones évolués en proie à d’autres drones
Par ailleurs, les rapporteurs ajoutent que le fait d’utiliser des drones moins évolués permet de détruire « même les drones les plus performants qui deviennent des cibles faciles pouvant aisément être détruits ».
D’après le dernier rapport des chercheurs spécialisés du Bard College, « le nombre de pays utilisant des drones armés a cru de 58%, au cours des dix dernières années ».
De ce fait, il ne fait plus aucun doute que « les drones militaires sont donc devenus des équipements quasi standards, avec une flotte mondiale qui dépasserait de loin les 20 000 appareils », ajoute le rapport de l’Assemblée.
Toujours en prenant l’exemple des drones Turcs, les rapporteurs se basent sur une étude de la Fondation pour la recherche stratégique pour constater que « la Turquie a fait de ses drones aériens un élément central de sa stratégie militaire ».
C’est dans ce contexte que les membres de la commission font plusieurs recommandations afin de lutter contre « ces nouvelles menaces ».
Ainsi, ils suggèrent « de veiller à la montée en puissance de l’environnement des drones actuellement employés par les armés ».
Ensuite, les rapporteurs tentent de répondre au « défi capacitaire » tout en « confortant la filière industrielle nationale et européenne des drones » qui, selon eux, « assure la souveraineté ».
Enfin, le rapport met surtout l’accent sur les moyens à mettre en œuvre dans la défense anti-drones afin de « répondre à la menace constituée par ces drones ».
Les drones Turcs source d’inspiration
Le 9 juillet courant, le journal Français Le Figaro, appartenant à la famille Dassault, connue dans l’industrie de l’armement, s’intéressait également de près aux drones turcs.
Le journal faisait état du rapport de l’ONU « qui accusait les drones turcs d’avoir ciblé des humains sans l’intervention d’un opérateur ».
Constatant que le rapport n’apportait aucune preuve, le journal précisait, néanmoins, « la montée en puissance de l’industrie de défense turque sur le marché des drones ».
« A peine en 15 ans, le pays a gagné sa place parmi les principaux producteurs mondiaux avec pour ambition de concurrencer les modèles américains, chinois ou israéliens », explique Anne Andlauer, correspondante du journal en Turquie.
Selon le Centre d’études économiques et de politique étrangère (EDAM), la Turquie voit « une opportunité pour être à l’avant-garde de la prochaine percée géopolitique ».
En effet, ces derniers mois, la Turquie a multiplié les contrats avec plusieurs pays, notamment la Pologne, un pays membre de l’OTAN. L’Ukraine, la Tunisie, l’Azerbaïdjan ont déjà commandé des drones de fabrication turque et d’autres pays comme la Hongrie et l’Albanie ont entamé des discussions en vue d’acheter des drones TB2 de Bayraktar.
La journaliste constate également que ces drones servent surtout à contrer des armes de fabrication russe. Pourtant, la Turquie a été exclue du programme des chasseurs F35 (alors qu’elle était associée et fournissait des composants de l’avion), pour avoir acheté les S400, un système de défense aérien russe.
Cette situation rappelle l’époque où la Turquie avait justement subi un embargo de la part des Israéliens, des Allemands et des Américains qui avaient refusé de lui vendre des armes contre l’organisation terroriste du PKK.
Ce blocage avait poussé la Turquie à se doter de ses propres drones et à soutenir l’industrie de la défense. Avec l’exclusion du programme du F35, la Turquie prépare un programme ambitieux pour se doter de ses propres avions de chasse.
Fatih KARAKAYA