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Comment sites, réseaux et discours politiques ciblent les musulmans

musulmans en France

La France est le théâtre, depuis plusieurs mois, d’une véritable offensive islamophobe qui a clairement pris un tournant violent cette semaine avec plusieurs attaques visant notamment les mosquées de Rennes, du Mans et celle de Nantes.

Mais au-delà du passage à l’acte violent, de citoyens animés par la haine des musulmans, il existe des politiques, des projets de lois, des chartes, ou même des sites internet, qui contribuent à identifier et sélectionner de potentielles cibles.

L’exemple le plus récent est celui de la mosquée de Rennes.

Dimanche, la façade de la mosquée Avicennes a été recouverte de très nombreuses inscriptions islamophobes dont « non à l’islamisation », « Charles Martel revient », ou encore « l’immigration tue ».

De nombreux observateurs ont noté, suite à cet événement, que le lieu de culte avait en réalité été identifié sur un site internet relayé sur Twitter par l’activiste d’extrême-droite et ancien membre du groupuscule Génération Identitaire, Damien Rieu.

Sur le réseau social, l’avocat Cédric Mas a souligné, lundi, que des « identitaires diffusent des listes de lieux de cultes jugés « islamistes » – dont un a été tagué hier à Rennes » et appelle les « pouvoirs publics (à) réagir (comme ils le feraient s’il s’agissait de listes de lieux de cultes catholiques ou juifs) ».

Il rappelle que ce site internet sous forme de cartographie, pointe du doigt les lieux de culte « refusant de signer la charte des principes de l’islam » initiée par le ministère de l’Intérieur et qui « interdit toute dénonciation d’un racisme d’état ou de l’islamophobie ».

Méthodes identiques des identitaires

Mais les identitaires, adeptes des méthodes de harcèlement en ligne, ne sont pas les seuls à avoir eu des comportements problématiques.

Sur cette même façade de la mosquée de Rennes, une inscription « EELV = traitres » (Europe Écologie les Verts), a également été apposée, en rappel de la polémique sur le financement de la mosquée Eyyub Sultan de Strasbourg, accordé par la municipalité écologiste de la ville.

Une rhétorique empruntée directement à la ministre déléguée à la citoyenneté Marlène Schiappa, qui a elle-même été très active dans l’acharnement de l’Exécutif pour faire suspendre ce financement public de la mosquée strasbourgeoise.

Ainsi, fin mars, à l’antenne de la radio RTL, elle accusait EELV d’être « complaisant avec l’islamisme radical » après avoir enfoncé le clou sur la chaîne BFMTV désignant le parti écologiste comme « pactisant avec l’islam politique et radical ».

La ministre a par ailleurs distillé son désormais célèbre élément de langage selon lequel la France n’accorderait « pas un euro d’argent public pour les ennemi de la République », induisant ainsi le fait que les fédérations musulmanes qui se refusent à signer la charte ministérielle, sont des « ennemis de la République ».

Cette méthode de pression est par ailleurs complètement assumée par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qui a, à de nombreuses reprises, assumé vouloir « faire passer un message » à certaines associations, mosquées et personnalités musulmanes.

« Il n’y a rien à négocier avec ces gens-là et nous mobiliserons tous les leviers de l’État pour empêcher l’installation de ceux qui n’ont pas signé la charte » a-t-il par ailleurs fait savoir, prévenant que « les contrôles seront très intenses ».

Indignations sélectives

Discours politiques mis à part, plusieurs comptes anonymes sur les réseaux sociaux, sont activement mobilisés pour viser, là-encore, des personnalités musulmanes, ou militants contre l’islamophobie.

Le compte « on vous voit » se présentant comme une « plateforme collaborative et non partisane d’observation du séparatisme », fait partie des instruments déployés.

Parmi ses cibles favorites, les journalistes Taha Bouhafs et Rokhaya Diallo, l’association de défense des droits des femmes musulmanes Lallab, ou encore les militants contre l’islamophobie Omar Slaouti et Abdelaziz Chaambi.

Sous le pseudo « Gaston Crémieux », un activiste utilise lui aussi cette même méthode de lâcher de meute en ligne, en ciblant des personnalités au travers publications sur Twitter avec toujours les mêmes obsessions : Rokhaya Diallo, le Collectif Contre l’Islamophobie en France ou encore… la Turquie.

Dans ce contexte, les réactions politiques du gouvernement qui condamnent les actes islamophobes (sans les qualifier comme tel), apparaît comme manquant de sincérité.

Les instigateurs (quels qu’ils soient) de ces campagnes de harcèlement, de ciblage ou d’identification, peuvent-ils ignorer qu’ils réalisent des listes pouvant être utilisées par des citoyens animés de haine et décidés à passer à l’acte?

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