Depuis des années, la France, terre présumée des Droits de l’Homme, glisse lentement mais sûrement, dans l’islamophobie la plus revendiquée.
Une islamophobie de plus en plus ouverte, acceptable, avec la certitude, d’en récolter les fruits en période électorale.
Si ce racisme envers les musulmans est historiquement l’un des piliers politiques de l’extrême-droite, il est devenu, au fil du temps, une constante qui fait converger tous les bords, partant des extrêmes et allant jusqu’aux partis dits républicains.
Maître Rafik Chekkat est avocat à Marseille, essayiste et parallèlement engagé au sein de l’association Action Contre l’Islamophobie (ACI).
Il explique que « depuis une vingtaine d’années, et plus principalement depuis l’adoption de la loi du 15 mars 2004 actant l’interdiction du foulard dans les établissements scolaires, on assiste à une explosion du nombre de contentieux liés à la présence musulmane ».
« Qu’il s’agisse du port du foulard ou encore de la question des repas de substitution dans les cantines, les polémiques se sont enchaînées et multipliées » assure Maître Chekkat.
Les abus du pouvoir
Il souligne par ailleurs que depuis l’adoption de cette loi de 2004, des dérives illégales ont été constatées notamment au sein des administrations et des services publics.
L’avocat cite par exemple le cas d’un homme venu déposer plainte dans un commissariat avec une kippa, et à qui un fonctionnaire a demandé de revenir sans signe religieux, ou encore le cas de municipalités qui ont refusé de marier des femmes qui portent un voile.
Dans le même registre, des mères ont été refusées en tant qu’accompagnatrices de sorties scolaires alors même que la loi les y autorise et qu’elles ne sont soumises à aucune neutralité religieuse.
Le co-fondateur de l’ACI souligne que les dispositions islamophobes ou liberticides sont toujours distillées dans l’esprit des français « par palier ».
« On sait que quand un député propose par exemple d’interdire le port du voile aux mineures, même si son amendement est rejeté, il s’agit en réalité de la première étape. On a des chances de retrouver cette disposition dans la prochaine loi qui sera à l’étude, jusqu’à ce que finalement, elle soit adoptée » pointe Rafik Chekkat.
« Si on regarde d’ailleurs les dispositions contenues dans l’a séparatisme, elles ont été largement précédées par des faits » note-t-il, en mentionnant en outre les dissolutions de Barakacity et Collectif Contre l’Islamophobie en France, ou encore la fermeture administrative de certaines mosquées.
Quitter la France définitivement ?
De son côté, dans une publication sur les réseaux sociaux, le média en ligne Islammag.fr, juge « sans aucune victimisation » qu’il « ne fait pas bon vivre d’être musulman en France ».
Et pour cause, plutôt que de combattre le racisme qui vise les musulmans, le gouvernement français, s’attelle régulièrement à contester le terme même d’islamophobie.
Fin mars, le CIPDR (Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation), est allé jusqu’à publier des posts outranciers sur les réseaux sociaux, accusant non seulement des militants contre l’islamophobie d’être des islamistes, mais rejetant par la même occasion le mot « islamophobie ».
De nombreux internautes se sont émus de cette posture et du déploiement des services de l’Etat pour s’attaquer à des opposants politiques musulmans et nier l’islamophobie.
Ainsi, qu’il s’agisse de lois liberticides, de déclarations de ministres, dont certains accusent des associations comme la CIMG (confédération islamique des Milli Görus) d’être des ennemis de la République, le discours islamophobe s’est ouvertement « démocratisé », ouvrant la voie à de terribles dérives.
À l’approche des prochaines présidentielles, de nombreux observateurs présument que la question de l’islam et de la visibilité des musulmans en France, occupera une place importante dans la campagne de 2022.