Selon le Président Macron, les tentatives d’ingérence turques aux prochaines élections sont bien réelles. Bien que loufoque, cette déclaration en soit ne peut être remise en cause pour la simple raison qu’elle est invérifiable, il s’agit donc là d’une prévision de Macron.
Mais au-delà de son argument donnant l’exemple d’Erdogan appelant les turcs d’Allemagne à ne pas voter pour Merkel, sans oublier les déclarations d’Erdogan qui selon lui « la France ne mérite pas un président comme Macron », le président français tente une nouvelle stratégie électorale où il ne peut qu’être gagnant.
Quelle est donc cette stratégie ? 3 lignes s’offrent à nous :
Macron cherche à couper l’herbe sous le pied du « Sultan ottoman » en prenant les devants d’une possible ingérence turque, même si lui-même n’y croit pas vraiment.
Si toutefois Erdogan ose récidiver avec la France comme il l’a fait avec l’Allemagne, Macron pourra se poser comme un visionnaire.
Et si malgré tout la ligne est franchie, il pourra alors se poser en victime aux yeux des français à qui on sert tous les jours du Erdogan à la sauce ottomane.
Les ingérences françaises dans le monde
Mais au-delà de cette déclaration Nostradamusienne, Macron affirme que de tels agissements sont inacceptables et laisse entendre que la France n’a jamais pratiqué l’ingérence dans les pays tierces, je vois d’ici les oiseaux tomber à la renverse et les africains (mais pas que) de leur chaise.
Voyons donc en quoi consiste « la non-ingérence » française en vous épargnant bien sûr la période coloniale où il n’est pas question d’ingérence mais purement de gouvernance :
Sous des apparences enjolivées, qu’est-ce que la France-Afrique autre que la mise sous tutelle des anciennes colonies ? Parfois à peine voilé, combien de gouvernements la France a fait et défait en Afrique ? Combien de personnalités politiques, et notamment Thomas Sankara, ont été assassinés quand ces derniers ne servaient pas les intérêts français ?
La période après les années 2000
–En 2006, l’ancien Président du Tchad, Idriss Déby accuse la France d’avoir tout fait pour le maintenir au pouvoir allant jusqu’à changer la constitution tchadienne. À cette époque Idriss Déby ne voulait pas se représenter. Que dire de l’audace de l’ambassadeur français de l’époque, Jean Pierre Berçot, qui affichait ostensiblement son soutien à Idriss Déby tout en attaquant l’opposition ?
–Michelle Alliot Marie n’a-t-elle pas proposé en 2011 le savoir-faire français pour mater les manifestants tunisiens alors en pleine révolution dite du printemps arabe ?
Aux exemples donnés ci-dessus, le président Macron pourra toujours se dédouaner en objectant qu’il n’est pas responsable des agissements de ses prédécesseurs, à cela nous pouvons répondre que les exemples ne manquent pas durant son court mandat.
Les ingérences direct d’Emmanuel Macron
–Le soutien aux groupes, qu’il qualifie de rebelles, en Syrie et Irak et faisant fi de l’unité territoriale de ces pays, n’est-il pas une forme d’ingérence ?
–Le soutien au putschiste Maréchal Haftar en Lybie aux dépends du gouvernement légitime et reconnu par la communauté internationale, n’est-il pas de l’ingérence ?
–En 2019, Macron n’a-t-il pas cherché à s’ingérer dans les élections espagnoles critiquant publiquement les alliances qu’avait alors noué Cioudadanos avec les conservateurs ?
–Toujours en 2019, Macron n’a-t-il pas apporté ouvertement son soutien au candidat algérien, Abdelmajid Tebboune, provoquant un tollé chez les opposants ?
–N’était-ce pas ce même Macron qui en 2020 donnait un ultimatum aux pays africains qui refuseraient de faire vacciner leurs populations ?
-Ne parlons même du Venezuela
-Mais s’il fallait une cerise sur le gâteau de l’ingérence façon Macron, ce serait incontestablement son voyage et ses déclarations au Liban, celui-ci n’a pas hésité à se poser en sauveur du Liban allant jusqu’à (une fois de plus) donner un ultimatum à la classe politique libanaise pour que ces derniers tiennent leurs promesses. Qui peut oublier ces images ubuesques où il invite son homologue libanais, et au Liban de surcroît, à se tenir « à carreau » lors d’une déclaration de presse ?
Pour illustrer ce paradoxe, rien ne vaut un célèbre proverbe africain, que je vous invite à découvrir, qui nous conseille sur les dispositions à prendre avant de monter à l’arbre.
Les inquiétudes sur la dérive autoritaire
Ce qui est inquiétant, c’est la dérive autoritaire mettant à mal la démocratie française, pourtant réputée berceau des droits de l’homme, que prend ce gouvernement. Ainsi Macron, par le biais de ses « porte-flingues », n’hésite pas à prendre en otage la communauté turque sur son sol en interdisant les classes Elco turques et menaçant la dissolution des associations, estimées à tort ou à raison, proche de la Turquie.
Dans ce registre le dernier à en faire les frais est l’IGMG, une confédération islamique, proche de la pensée de Necmettin Erbakan. Cet exemple montre parfaitement la « méconnaissance » des services français des liens que peuvent entretenir cette confédération avec le gouvernement turc, mais sachant que les RG français ne sont pas nés de la dernière pluie, je pense plutôt que le gouvernement Macron lance consciemment de telles allégations faisant de l’IGMG une victime collatérale.
Certes Erbakan était le mentor d’Erdogan, mais qu’en est-il aujourd’hui ?
Erdogan a quitté le mouvement d’Erbakan et a fondé son propre parti en 2001, ce divorce n’aura pas épargné Erdogan des accusations de traîtrise non seulement de la part des partisans mais aussi d’Erbakan en personne. Encore aujourd’hui la politique d’Erdogan est très critiquée par le mouvement Milli Görüs proche du Saadet qui l’accuse d’être à la solde de l’Occident.
Le Saadet est un parti politique, héritage d’Erbakan et très conservateur. Mais contrairement aux idées reçues, celui-ci se place sur l’échiquier politique dans l’entente dite « Millet Ittifaki » (Alliance de la Nation)
Ce dernier est l’entente politique avec d’autres partis visant à mettre fin à l’ère Erdogan en opposition au « Cumhur Ittifaki » (Alliance Présidentielle) constitué de l’Ak Parti d’Erdogan et le Mhp nationaliste de Devlet Bahçeli.
Dans cette Alliance de la Nation on retrouve donc le Saadet conservateur, le Chp, national socialiste, laïc et kémaliste, le Iyi Parti, nationaliste et dissident du Mhp ainsi que le Parti Démocrate, le premier parti démocratique après l’ère du parti unique en Turquie en 1948.
S’ajoute à cela le soutien du Hdp, marxiste-léniniste mais en même temps nationaliste kurde proche de l’organisation terroriste du PKK, anti nationaliste turc, progressiste donc anti conservateur et cherchant la scission de la Turquie.
D’ailleurs, grâce à la non présentation de candidats de HDP, le CHP a pu emporter des grandes villes notamment Istanbul et Ankara.
Pour en revenir au GIMG et le souhait du gouvernement à le dissoudre, il est clair que dans une telle éventualité, Emmanuel Macron s’en prendrait plus à un allié qu’à une supposée émanation du pouvoir turque.
B.M.