Des centaines de personnes ont défilé, dimanche, sur la place de la République, dans le centre de Paris, pour dénoncer le projet de « loi confortant les principes républicains ».
Cette mobilisation a été initiée par plusieurs personnalités, activistes et organisations, à la veille de la Journée mondiale contre l’islamophobie, en vue de condamner « des lois islamophobes ».
L’appel à manifester a été lancé par plusieurs associations, sur fond de débat ravivé sur la stigmatisation des musulmans en cours, depuis plusieurs années.
D’après les organisateurs, le projet de loi contre le présumé « séparatisme », rebaptisé « projet de loi confortant le respect des principes de la République », bafouent les libertés religieuses ainsi que la liberté de l’association, vers une volonté visible d’effacer les musulmans.
Une volonté d’effacer les musulmans
Interrogé par l’Agence Anadolu, Mehdi Meftah, membre de la Coordination contre la loi de séparatisme, a mis l’accent sur le caractère raciste et islamophobe de ce projet de loi.
L’activiste n’a pas dissimulé ses craintes quant aux conséquences de cette loi qui représente « une déclaration de guerre contre la communauté musulmane de France ».
« Il y a une volonté de rabaisser les musulmans, de les chasser de la vie sociale et politique ainsi que de la sphère publique par le truchement de ce projet de loi. On cherche même à déshumaniser cette communauté », a-t-il déclaré.
Les protestataires ont également dénoncé « la politique d’extrême droite menée par le gouvernement ».
Fabienne, une participante à cette action, venue de Pantin (banlieue parisienne) a exprimé ouvertement son regret d’avoir voté pour Emmanuel Macron lors de la présidentielle.
« J’étais convaincue par le discours d’Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle. Maintenant, je me rends compte que c’est bien lui qui créait un certain séparatisme au sein de la société française en excluant les Français de confession musulmane. Je ne suis pas musulmane. Cependant, je trouve que les jeux de mots à définir d’islamiste toute contestation de la politique gouvernementale, sont consistants», a-t-elle expliqué.
Un mutisme complice
Ahmad, un autre participant à cette manifestation a affirmé qu’il tenait absolument à prendre part à ce mouvement de protestation, en compagnie de sa famille.
Il a dénoncé « le silence, voire, la complicité de certains partis politiques et syndicats » dans l’escalade de l’hostilité envers les musulmans de France, signalant que la démocratie française est d’emblée en danger.
« Si nous restons dans le mutisme, le gouvernement qui va valider ces lois sous couvert de la lutte contre l’islamisme va un jour ou l’autre réduire au silence toute forme de contestation politique. Il y a une sorte d’uniformisation des idées et des opinions qui se forge désormais en France », a-t-il souligné. Pour preuve, il donne l’exemple des attaques envers « l’UNEF et les universités ».
Pour sa part, Aicha, mère voilée, qui travaille dans une entreprise privée assimilée à du service public, a assuré qu’elle a peur de l’avenir.
« Je travaille dans cette entreprise, depuis 15 ans. Je n’ai jamais eu de problèmes. J’ai toujours eu de bonnes relations avec mes collègues. Aujourd’hui, je regrette le regard culpabilisant que l’on pose sur moi, comme si j’étais impliquée dans le meurtre du professeur Samuel Paty », a-t-elle exprimé sur un ton désolant.
Elle sait qu’elle devrait faire un choix entre « ses convictions et la précarité ».
Le gouvernement abuse de son autorité
Dans ce contexte, nombreux sont les participants qui ont dénoncé les agissements du gouvernement qui se sert de cas isolés pour stigmatiser toute la communauté musulmane, alors que celle-ci reste relativement silencieuse face à l’escalade des actes antimusulmans.
D’autres activistes, ont pointé du doigt les médias qui participent au déferlement de la haine envers les musulmans sans prendre en considération les conséquences de leurs discours.
« Le gouvernement semble avoir trouvé la parade idéale pour faire passer ses lois : lutte contre l’islamisme et l’islam politique sans jamais procéder à une définition exacte de ces termes. En France, on vient d’instaurer les délits d’opinion, une première dans une démocratie occidentale », a conclu Ferhat, un jeune banlieusard.
Pour rappel, la loi dite « confortant les principes républicains » a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 16 février dernier et doit être examinée par le Sénat à partir du 30 mars courant.