Sous l’injonction du président de la République, Emmanuel Macron, la charte des imams devra être signée par ces derniers pour « espérer » obtenir un label et pouvoir exercer dans une mosquée ou association colle en tout point avec la politique du gouvernement.
Cette méthode unique dans l’Histoire de la France, pose énormément de problèmes à cause du non-respect de la séparation des pouvoirs. Par ailleurs, le texte contient de nombreux points très problématiques tels que la négation absolue d’une islamophobie, d’un racisme d’État ou la limitation du droit d’expression.
En outre, Mediapart a révélé que le ministère de l’Intérieur, Gérald Darmanin avait co-rédigé cette charte avec le vice-président du CFCM (Conseil Français du Culte Musulman) et recteur de la Grande Mosquée de Paris Chems-Eddine Hafiz.
Ainsi on y apprend que la charte des valeurs souhaitée par le président de la République ne concerne plus exclusivement les mosquées liées à la création du Conseil national des imams (CNI) mais aussi toutes les fédérations, y compris celles qui ne souhaitent pas participer à sa création.
En l’occurrence ces mosquées risquent ainsi de mettre la clé à la porte pour ne pas avoir respecté les injonctions d’un gouvernement.
Lutte contre l’Islam politique
Sans pour autant définir ce qui est l’Islam politique, les signataires de la charte devront ainsi « refuser que les lieux de culte servent à diffuser des discours politiques ou importent des conflits qui ont lieu dans d’autres parties du monde ».
En fait, il ne sera plus possible pour les mosquées d’organiser des manifestations, de prier pour la Palestine ou de donner son avis sur des sujets qui concernent les musulmans. Par exemple, émettre un avis défavorable sur un sujet religieux pour couter très chers aux mosquées.
De ce fait, on peut clairement affirmer que la liberté d’expression des imams ainsi que de des fidèles musulmans sera fortement limitée. En effet, ils ne pourront plus s’exprimer sur le voile, l’abattage rituel, la Palestine, les Ouïghours, les Rohingyas, les musulmans d’Inde ou dans n’importe quel lieu dans le monde. Ils ne pourront pas non plus organiser, ni soutenir, ni parler d’une manifestation contre l’islamophobie.
D’ailleurs, ils ne pourront pas non plus participer activement à la vie politique puisqu’ils seront aussi accusés d’être les pions d’Erdogan ou de faire de l’entrisme quand ils s’engageront en politique.
Pour ceux qui défendent une liberté d’expression totale, autant de limitation pour les musulmans révèle d’aillleurs une hypocrisie patente.
Négation de l’Islamophobie
Par ailleurs, les auteurs de cette charte interdisaient dans une première version l’emploi d’expression « Islamophobie d’État » et déclaraient que les campagnes prétendant que les musulmans de France seraient persécutés étaient diffamatoires. Encore plus grave il était noté noir sur blanc qu’une « attitude victimaire ne repousse pas la haine » et « contribue à la nourrir ».
Pourtant, ce négationnisme ne se repose sur aucune réalité dans la mesure ou la France a déjà été condamnée à plusieurs reprises pour racisme d’État notamment pour des contrôles au faciès opérés par sa police sur des personnes noires ou d’origine maghrébine.
Le président de la République lui-même avait dénoncé le contrôle au faciès dans son interview sur un média français. Par ailleurs, plusieurs ONG françaises telles que la LDH et internationales comme l’Amnesty International font état de persécutions des musulmans en France.
La charte des imams soutien la loi sur le séparatisme
Le gouvernement prépare aussi une loi nommée dans un premier temps « lutte contre le séparatisme islamiste » rebaptisée depuis « loi confortant les principes républicains » qui vise particulièrement les musulmans. Alors que cela ne concerne en aucun cas le rôle des imams, la charte inclue également un soutien inconditionnel aux lois stigmatisant les musulmans. Ainsi, le texte reprend sans filtre les propos Marlène Schiappa sur les « Certificats de virginité », la « polygamie » ou encore les « mariages forcés ».
Selon Marwan Muhammad, ancien de directeur du CCIF, l’état s’est appuyé sur les déclarations de du CFCM et de son président Mohammed Moussaoui qui accusent l’ONG de défense des musulmans « d’inventer l’islamophobie ».
En refusant de voir les actes islamophobes d’État comme la fermeture de plusieurs mosquées et associations et écoles sans réels délits ou fautes et surtout la dissolution du collectif contre l’islamophobie en France, qui dénonçait justement une islamophobie d’État, au même titre que l’ONG Barakacity qui elle aussi a été dissoute, la Charte donne des gages à l’Etat pour aller encore plus loin.
D’autant plus que cette nouvelle charte va considérablement réduire voir complètement supprimer les libertés fondamentales (penser, s’exprimer, respirer…) en imposant aux imams et musulmans une vision uniforme des valeurs de la République. En effet, qui peut réellement expliquer ces valeurs de la République ?
Pour le moment, les mosquées semblent tétanisées à l’idée d’une fermeture de leurs lieux de cultes et gardent le silence alors que la grogne monte aussi bien dans la communauté musulmane que chez les partisans de la vraie laïcité.
Fatih Tufekci – Fatih Karakaya