Après les indignations et appels au boycott des produits français ayant suivis les discours du Président Macron dans le monde musulman, suite aux attaques meurtrières de ces dernières semaines, ce dernier a tenu à s’exprimer pour tenter de lever tout malentendu. Pour cela Macron a choisi la chaîne qatari Al Jazeera, suivie largement dans le monde arabo-musulman.
Décryptage de l’intervention d’Emmanuel Macron sur Al Jazeera
Tout d’abord M. Macron n’a pas manqué de glisser quelques pics à son intervieweur d’Al Jazeera qui selon lui aurait contribué au malentendu via les réseaux sociaux et leur antenne, c’est donc la première fois qu’on entend M. Macron juger le travail journalistique.
Selon le Président, les musulmans de France ne seraient pas stigmatisés et vivraient leur foi dans la quiétude. La liberté d’expression serait donnée à tout citoyen vivant sur le sol français. Mais alors comment interpréter la dissolution d’une ONG sur la base de simple questionnement de son président à l’égard de quelques personnalités connues pour leurs positions virulentes, pas seulement contre les musulmans mais l’islam en général ?
La question des caricatures
Le chef de l’état comprendrait les sentiments qu’éveillent les caricatures, les respecte et met l’accent sur son rôle apaisant. Il martèle que la presse est libre et que ce n’est pas le gouvernement qui a fait ces caricatures. Sans le dire ouvertement, nous pouvons donc supposer que M. Macron n’approuve pas ces caricatures. Si tel est le cas, comment expliquer que ces caricatures dont il reconnaît le caractère provocatif, soient autorisées par son Ministre de l’éducation dans les écoles sous couvert d’éducation civique ? Et comment expliquer la projection de ces caricatures sur les façades des mairies ? Est-ce une manière raisonnable d’apaiser les tensions ?
Liberté d’expression à géométrie variable
« Je ne suis pas spécialiste de théologie, mais je n’ai pas compris que l’islam légitimait ou soutenait le recours à la violence » dit-il. Mais alors à quoi rime cet entretien de 45 minutes accordé à un certain Zemmour, condamné plusieurs fois pour incitation à la haine ? Ou le soutien inconditionnel à une certaine Rhazoui qui déclare :
« Dire que le Coran est de la merde, que l’islam est de la merde est un droit constitutionnel » ?
Ziben El Rhazoui
Si la raison est (une fois de plus) la liberté d’expression, pourquoi ne pas avoir apporté son soutien à l’imam de Brest ayant frôlé la mort suite à une fusillade le visant directement ? Faut-il rappeler que cet imam s’était excusé pour certains de ses propos, chose que nos 2 protagonistes cités plus haut n’ont jamais fait. Rappelons aussi que ce même imam est passé de victime à coupable dans les médias.
Liberté de culte
« Mon rôle est de préserver la liberté de culte », affirme encore Macron sur Al Jazeera. Mais comment expliquer alors la circulaire autorisant la fermeture de mosquées uniquement pour des raisons administratives ou simples manquements aux normes sécuritaires ? Ou encore le blocage d’ouverture d’écoles musulmanes pour les mêmes raisons ? Ne peut-il y avoir une autre issue ? Ne serait-il pas possible d’émettre un avis suspendu en attendant que ces normes soient rétablies ? Par ailleurs, comment comprendre la punition collective quand la responsabilité incombe à une seule personne ?
La Mosquée de Pantin méritait-elle d’être fermée alors que c’est une personne qui a partagé le contenu ? D’autant plus, les musulmans ont-il le droit de s’indigner pour un sujet sous peine d’être accusé de « complicité de terrorisme ? »
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Loi sur le séparatisme
Le Président assure aussi que cette loi en préparation ne vise pas spécifiquement la pratique musulmane. Mais alors comment expliquer les propos de son Ministre de l’intérieur qui déclare, et ce face aux représentants de l’islam en France ?
« Il faut faire attention à ce que d’autres religions ne soient pas les victimes des modifications souhaitées pour vous [les musulmans, ndlr] »
Propos reportés par le journal Libération
N’est ce pas là une preuve de plus que cette loi en préparation sera faite sur mesure contre les musulmans ?
Islam en crise selon Macron
Lors de cet interview sur Al Jazeera, M. Macron nous a donné une leçon de laïcité, rappelant la règle de séparation entre les cultes et l’État, suite à quoi son interlocuteur lui a rappelé ses propos « l’islam est une religion qui vit une crise profonde aujourd’hui partout dans le monde. » Chose extraordinaire ! Malgré la tentative du journaliste d’Al Jazeera à corriger ces propos éventuellement maladroits, lui rappellent qu’il voulait probablement dire que la crise n’était pas dans l’islam mais serait au sein de la société musulmane, le Président préfèrera mettre l’accent sur des propos sortis de leur contexte sans pour autant revenir dessus.
Délit d’opinion rétablit en France
L’opinion ne serait pas un délit. Mais alors pourquoi vouloir dissoudre un collectif qui ne fait que recenser les actes islamophobes et assiste les victimes d’islamophobie, cela sous prétexte que son ancien président serait un frère musulman ? Chose qui reste à prouver, et quand bien même elle serait prouvée, depuis quand peut-on criminaliser une personne pour délit d’opinion ?
Conclusions
Macron semble avoir pris la mesure de la gravité que prennent les événements, les appels au boycott et rassemblements à travers le monde semble avoir poussé le chef de l’état à se lancer dans une opération de séduction pour redorer l’image de la France et protéger ses intérêts. L’avenir nous dira si cet entretien était uniquement une opération de communication ou une réelle recherche d’apaisement, aussi bien au niveau international que national.
Nous aurons remarqué que M. Macron s’est appliqué à prononcer le nom du prophète correctement de l’islam « Mohammad », contrairement au très répandu « Mahomet ». La réconciliation serait-elle en marche ? Si tel était le cas, M. le Président doit savoir que la communauté musulmane est et sera toujours prête pour apporter sa pierre à l’édifice. Encore faut-il savoir choisir les bons interlocuteurs et non des pseudos-imams sortis de nulle part, sachant à peine parler la langue de Molière et sans aucune légitimité aux yeux des fidèles musulmans.
A l’instar d’un ancien président qui aurait envoyé un Sms à sa tendre : « Si tu reviens j’annule tout », la communauté musulmane attend avec beaucoup d’espoir un Sms venu de l’Élysée, mais contrairement à la première, elle n’hésitera pas à passer l’éponge sur tous ces « malentendus ».
Murat Büyük
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