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Portrait : Murathan Mungan, écrivain et poète turc

murathan mungan

Je vous propose de découvrir un passage autobiographique de l’écrivain Murathan Mungan. L’extrait que j’ai choisi m’émeut tout particulièrement. Murathan Mungan (né le 21 avril 1955 à Istanbul) est un auteur, nouvelliste, dramaturge et poète turc.

Sa famille est originaire de Mardin, en Turquie. Son père est d’origine arabe et sa mère d’origine bosniaque. Diplomé de la Faculté des Lettres et du Théâtre de l’Université d’Ankara, il a travaillé comme dramaturge avant de se consacrer à l’écriture de poésie, pièces de théâtre, nouvelles, romans, scénarios de films et chansons. Son premier recueil de poèmes, Osmanlıya Dair Hikayat (Histoires sur les Ottomans) a été publié en 1980, faisant le succès de Murathan.

Voici le passage choisi :

Murathan Mungan, après de nombreuses années, se rend chez elle, pour voir la femme qui lui a donné naissance, c’est-à-dire sa propre mère.
Avec les années passées, ses proches ne veulent pas l’affronter en disant « c’est ton fils » et ce sans aucune préparation.
Ils entrent dans la maison depuis le jardin.
La porte du palier là-bas.
La première chose que voit Murathan est une femme se penchant en avant pour se dépêcher de porter des pantoufles.

Il raconte les conséquences:
«… Un nœud dans ma gorge, le plus gros que j’ai eu dans ma vie. »
On m’a fermement conseillé de ne rien dire.
Après tout, cette femme a vécu une maladie. Tout lui sera dit avec douceur.
Nous sommes assis…
La femme assise là, en face de moi, est ma mère. Mais elle m’est étrangère.
Je n’ai pas de souvenir.
De temps en temps, quand nos regards se croisent, je ne peux la regarder, je détourne le regard.
Les tristes histoires que j’ai entendues à son sujet dans mon enfance n’ont rien à voir avec cette femme.
On nous a fait passer pour les « futurs locataires ».

Nous sortons.
Je sais que la femme à la fenêtre, derrière le rideau, qui regarde derrière nous, est maintenant ma mère.
Sur le chemin du retour, je me souviens m’être assis près de la fenêtre de la camionnette et avoir pleuré jusqu’à la maison de l’oncle Mumtaz.
Je me souviens aussi que j’ai eu très très mal au yeux ce jour-là.

Au bout d’un moment, tout comme un enfant, on continue de pleurer, oubliant pourquoi.
Exactement dix-sept ans plus tard, j’ai vu la femme qui m’a donné naissance ce jour-là.
C’était ma mère.
C’était ma vraie mère.

J’ai soudainement ressenti vivre une vie comme dans les films tristes que j’ai regardé et les romans tristes que j’ai lu durant mon enfance. Je me suis retrouvé dans un film complètement différent.
«Elle dort jusqu’à midi avec l’effet des médicaments qu’elle prend», avait déclaré ma tante à propos de ma mère.
Le lendemain matin, pour une raison quelconque, elle s’est levée tôt, et après le petit déjeuner, ma tante a dit à ma mère: « Je vais te dire quelque chose, Muazzez, mais tu ne dois pas t’exciter, tu le sais, prends tes médicaments d’abord. »


Ma mère savait que ma tante, qui était à la retraite, attendait leur ajustement pour une augmentation de salaire à l’époque. En regardant l’air joyeux sur son visage, elle a d’abord pensé que ça concernait ce sujet: «Avez-vous un ajustement? Demande t’elle.
« Non, je vais t’avouer quelque chose sur toi, pas sur moi… »
Puis ma mère, sans même réfléchir un instant;
« C’est mon fils qui est venu hier, non? » Dit-elle…

(Photos: Mme Muazzez / La tante et Mme Muazzez / jeune Murathan)

Traduit par Sibel Karakus

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